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Crise : Quand la santé paye les frais
Publié dans El Watan le 20 - 10 - 2017

«Le budget consacré aux dépenses de la famille est conséquent par rapport à la moyenne. Il y a quelques années, je n'accordais même pas d'importance aux prix. A la supérette, je prenais ce dont j'avais besoin, généralement des produits de marque, et ce n'est qu'à la caisse que j'apprenais le montant de chaque article.
Aujourd'hui, avant de prendre quoi que ce soit, je demande le prix s'il n'est pas affiché. Les produits premier prix sont devenus mon quotidien. Vu la fulgurante hausse des prix, je ne peux plus me permettre d'acheter certaines choses.» Samira, une mère de famille de 53 ans, se confie sur ses changements d'habitudes et livre sa nouvelle méthode de gérer son budget. «Si je me plains des articles de ravitaillement, je fais le même constat concernant les fruits et légumes, ou encore les viandes et le poisson.
Il m'est arrivé de payer un kilo de tomate à 250 DA, ce qui est abusé. Dans quelque temps, manger une salade composée sera un luxe. Mon boucher a aussi remarqué que mes visites se réduisaient au fil des périodes. Idem pour mon poissonnier». Samira n'est pas un cas à part. Suite à la hausse incessante des prix, de plus en plus de familles réapprennent à gérer leur budget en conséquence. Hakima, une mère au foyer, gère le budget de sa famille composée de sept personnes.
Elle se confie : «Chez moi, le changement dans mes dépenses a commencé il y a un peu plus d'un an. Aujourd'hui encore je continue à serrer la ceinture. Les prix ne cessent d'augmenter et les revenus stagnent. On ne peut plus se permettre beaucoup de choses. Désormais, je n'achète que les produits réellement nécessaires, en particulier pour les petits.
Panier
Après tout, leur nourriture doit contenir certains aliments nécessaires à leur développement. Cependant, plusieurs extras ont été éliminés de la liste des courses tels certains fromages comme le gruyère et le Gouda, ou encore les gâteaux et les céréales». Hakima ajoute que son budget ne peut plus assurer de la viande tous les jours à sa petite tribu. «A présent, pour compenser le manque de viande, je cherche une alternative afin que les repas soient complets», assure-t-elle.
Ce changement dans les habitudes, les commerçants, à l'image de Nabil, le ressentent. Ce dernier raconte : «Etant donné que la majorité de mes clients sont des habitués, j'ai pu clairement établir la différence entre ce qu'ils achetaient avant et ce qu'ils prennent maintenant. Au fil du temps, le panier est devenu de moins en moins garni.
Il est essentiellement composé de l'essentiel, à savoir le lait et certains produits laitiers basiques (fromage blanc en portion, yaourt brassé de chez nous, etc), les pattes, certaines boissons et les détergents les plus simples». Le commerçant avoue que même l'astuce de poser des articles attractifs tels que le chocolat est autres bonbons devant la caisse ne marche plus. Mohamed, gérant d'une épicerie à Draria, se souvient d'une scène insolite.
Il raconte : «Une belle berline s'est garée devant mon épicerie. Une dame en est descendue et est rentrée dans le magasin. Elle s'est dirigée au rayon frais. Elle a pris un morceau de gruyère. Elle m'a demandé de le peser. Il lui revenait à 400 DA. Elle l'a reposé en me disant que ça restait trop cher».
Météo
De plus en plus de scènes similaires se produisent dans les magasins, tout étant excessivement cher. Mais finalement, quelle est la raison d'une telle hausse ? Pour Souhil Meddah, les augmentations des prix ont deux causes principales. La première étant «les conditions générales de la météo ou des pics de la demande dans une période où le changement climatique des saisons se manifeste, mais les prix reviendront à leur niveau normal dans quelques semaines.»
«La deuxième cause est d'ordre subjectif observé ces derniers jours sur les effets spéculatifs à la fois rattachés à la question de l'émission monétaire qui est dans certains cas interprétée d'une façon très abusive et aussi du fait que la loi de finances 2018 malgré le fait qu'elle n'annonce pas de taxes sur les produits de large consommation, indique aussi quelques mesures liées aux revenus individuels d'une catégorie de détenteurs de fortunes». Alors, si dans cette mesure on inclut les professionnels du domaine commercial, la réaction de ces derniers sera de compenser leurs risques directement ou indirectement sur les consommateurs.
Mais cette hausse des prix n'est pas sans conséquences. En effet, face à cette situation, beaucoup de familles sont contraintes de supprimer certains aliments, ce qui n'est pas sans conséquences sur la santé. Pour Tewfik Loucif, nutritionniste, les conséquences d'un déséquilibre alimentaire sur la santé sont nombreuses tels que les carences en certains apports ou vitamines, le surpoids, l'obésité, des maladies cardio-vasculaires, le diabète ou encore des problèmes articulaires. Selon lui, la cherté de la vie ne permet pas aux consommateurs d'avoir accès aux produits alimentaires sains compte tenu de la baisse de leur pouvoir d'achat.
Couscous
A cet effet, l'expert financier Souhil Meddah assure que la réaction du consommateur à une telle cherté se résume dans le fait qu'il se détournera de certains produits et favorisera les produits de moindre coût. Pour ce spécialiste, une telle orientation causera de facto une demande spéciale sur des produits ciblés à bas coûts, et ceci pourra être nuisible à la santé du consommateur mais favorisera de ce fait une limitation dans la tendance haussière du niveau de l'inflation.
«Si le marché s'oriente vers les produits à bas coût, les prix des autres produits connaîtront une légère stabilisation et le niveau de l'inflation affichera lui aussi un niveau mois progressif. Mais il s'agit là de connaître la réaction individuelle de chaque consommateur, ce qui est difficile à anticiper vu que le mode de vie des citoyens à beaucoup progressé ces dernières années.
Enfin, c'est le marché de la demande qui aura le dernier mot». De son côté, le nutritionniste Abdelkrim Djellouli estime que ce sont les mauvaises habitudes alimentaires qui ont poussé beaucoup de familles à exclure certains produits de leur alimentation. Il explique : «On remarque que de plus en plus de familles se tournent vers les fast-foods.
C'est un gain de temps certes, mais il est terrible sur la santé des petits.». Le spécialiste n'exclut pas les conséquences qu'a la cherté de la vie sur notre alimentation. «Il est vrai qu'il est de plus en plus difficile d'acheter des légumes frais qui restent excessivement chers ; cependant, j'estime qu'on peut adopter une alimentation saine sans se ruiner», assure-t-il. Il suggère : «Un plat de couscous, des lentilles ou encore une soupe de haricots coûteraient moins cher qu'une pizza et sont plus bénéfiques pour la santé». Le docteur Abdelkrim Djellouli assure qu'on peut aisément vivre selon nos moyens. Où en est la protection du consommateur ?
Lentilles
Mustapha Zebdi, président de l'Association des consommateurs (Apoce) assure que «les citoyens nous demandent d'intervenir, mais le problème est qu'il n'y a aucune traçabilité. Il est donc très difficile de blâmer quelqu'un, le marché étant très mal régulé». Pour lui, ce n'est plus la loi de l'offre et la demande qui régule le marché, mais plutôt la loi de la spéculation et des intempéries. Selon lui, la loi des finances 2018 ne va rien arranger. Ainsi, afin de faire face a cette hausse, certains ont adopté un nouveau comportement. «Recemment, je voulais préparer des lentilles.
Constatant que je n'avais plus de carottes, je suis parti en acheter deux, soit, exactement ce dont j»ai besoin pour préparer mon plat. Ca me revient moins cher et j'évite le gaspillage». Farouk est un citoyen responsable. Il conseille a tout le monde d'adopter le même comportement que lui afin de continuer a avoir une alimentation correcte et éviter les faux frais et le gaspillage.


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