Demain, notre bonne vieille planète aura achevé le quart de sa course orbitale qui représente annuellement un parcours de près de 150 millions de kilomètres. Mine de rien, nous voyageons et, Dieu merci, notre balade permanente dans le cosmos est exempte de visas. Il suffit de se laisser porter joyeusement par la gravité ! L'équinoxe de printemps frappera à nos portes et fenêtres, avec son jour égal à sa nuit, y compris pour Yasmina Khadra dont l'avant-dernier roman comptabilisait la dette historique du premier à la seconde. Certains, heureux conservateurs des bonnes traditions d'antan, veinards inconscients de leur privilège, auront droit au couscous du printemps qui était préparé dans toutes les régions d'Algérie, selon des variantes différentes mais fondamentalement communes, exactement comme le sont notre musique, notre patrimoine oral, nos arts traditionnels, notre architecture, etc. Ce couscous au helhal ou au deryess (en latin, thapsia) dont les racines imbiberont de leur odeur les grains immaculés. Ces œufs durs, peints au henné avec des motifs si symboliques des transformations de la nature et de la montée, chez tous les êtres vivants - plantes, bêtes et humains -, des pulsions de vie, y compris chez nos restaurateurs, dont aucun pourtant n'aura assez de pulsion marketing pour imaginer servir ce plat saisonnier. Demain, commenceront d'autres vols migrateurs d'oiseaux qui nous inciteront parfois à lever la tête pour contempler les volutes sinusoïdales de leurs mouvements d'ensemble. Un bon moyen d'échapper, au moins un court instant, à la vision des choses peu réjouissantes et peu ragoûtantes autour de nous, car nous avons tous besoin de souffler devant les déferlements de haine, de bêtise et d'injustice, ici ou là. Printemps sur Internet désormais - qui va finir par remplacer la nature !- avec cette petite information d'un récital poétique, avant-hier, à Toulouse, la ville rose occitane. L'ancienne « diva » populaire de la radio, Leïla Boutaleb, a lu des poèmes de Djamel Amrani au Hoggar, « l'espace culturel algérien ». Bonne nouvelle que l'existence de cet endroit dans la cinquième ville de France. Pensées pour cet homme sensible qui savait ce que le printemps signifiait et qu'il arrivait à magnifier dans ses textes, malgré l'horreur qu'il avait connu durant la guerre et qui taraudait sa mémoire. Pensées pour cette dame dont la voix fut longtemps un printemps pour des milliers d'auditeurs et auditrices. Ci-contre, nous avons retenu deux coups de cœur printaniers, l'un à Paris, l'autre à Toudja, tous deux impulsés par des Algériens qui pensent que le printemps ne doit pas être saisonnier et donnent aux belles idées des lettres de noblesse. Pensée que beaucoup de nos compatriotes portent en eux des mégatonnes de printemps, y compris hors-saison, des trésors d'initiatives et de générosité, mais ne rencontrent souvent que l'indifférence hivernale de bureaucrates pour lesquels le seul modèle de fonctionnement est l'automne, vu qu'ils passent leur temps à éparpiller des feuilles. Allez, oublions les au moins demain pour accueillir le printemps !