De son côté, Téhéran a rejeté ces accusations. «La tentative de faire exploser le pipeline saoudo-bahreïni est une escalade dangereuse de la part de l'Iran, qui vise à terroriser les citoyens et à nuire à l'industrie mondiale du pétrole», a écrit dans un tweet le ministre bahreïni des Affaires étrangères, Khaled Ben Ahed Al-Khalifa. «Visiblement, la seule chose que les responsables de Bahreïn ont appris à faire après chaque incident dans l'émirat, c'est d'accuser l'Iran», a réagi hier le porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien, Bahram Ghassemi, dans un communiqué officiel. «Ils doivent savoir que l'époque des accusations enfantines et des propos mensongers est révolue», a-t-il ajouté, en observant que l'Iran voulait «la stabilité et la sécurité de ses voisins». Bahreïn, accuse régulièrement l'Iran de liens avec des Bahreïnis chiites, accusés d'actes de violence dans ce royaume secoué par des troubles depuis 2011. Le pouvoir à Manama a annoncé ces dernières années le démantèlement de nombreuses «cellules (…) entraînées» en Iran pour mener des «actes de sabotage» dans le pays. Le ministère bahreïni de l'Intérieur a vu samedi dans l'incendie du pipeline un «acte terroriste ». «C'est un acte de sabotage, un grave acte terroriste visant à porter atteinte aux intérêts supérieurs de la nation et à mettre en danger la population», a dénoncé le ministère sur son compte Twitter. Le ministère a ajouté que les premiers éléments de l'enquête montraient qu'il s'agissait d'un acte«délibéré». Bahreïn dépend pour ses approvisionnements du champ d'Abou Safa qu'il partage avec l'Arabie saoudite. Ce pétrole est acheminé à Bahreïn à travers un pipeline d'une capacité de 230 mille barils par jour. Bahreïn mène depuis 2011 une sévère répression contre les représentants de la majorité chiite qui demandent des réformes. Des centaines de chiites ont été condamnés ces dernières années à de lourdes peines de prison, assorties parfois de déchéances de nationalité, pour des violences ayant émaillé la contestation. La dynastie sunnite au pouvoir nie toute discrimination envers les chiites et accuse l'Iran voisin d'attiser les tensions, ce que dément Téhéran. Mais le peuple bahreini n'a pas attendu les révoltes arabes de 2011 pour revendiquer son droit à la liberté et à la justice sociale. L'émirat vit dans la contestation populaire depuis son indépendance, en 1971. Ces révoltes sont réprimées par la dynastie Al Khalifa, soutenue par les forces répressives des autres monarchies du Golfe pour neutraliser toute velléité contagieuse de la révolte au sein de leur propre société. L'Arabie saoudite est reliée au Bahreïn par un pont-digue. Achevé au milieu des années 1980, il permet à l'Arabie Saoudite d'acheminer ses forces vers Manama le plus vite possible en cas de troubles, pour prêter main-forte à la monarchie bahreïnie. En 1981, est créé le Conseil de coopération du Golfe (CCG) a été créé en 1981 suite à l'invasion de l'Afghanistan par l'Union soviétique et à la révolution iranienne en 1979. Il groupe l'Arabie Saoudite, Bahrein, les Emirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar.. L'initiative vise la coordination, l'intégration et la coopération des Etats membres dans les domaines économique, social, culturel et militaire. En 1984, les six pays membres ont créé une force commune d'intervention appelée Bouclier de la péninsule. Les accusations de Bahrein contre l'Iran interviennent alors que la région du Moyen-Orient est en ébullition. Les 20 et 21 mai 2017, le président américain Donald Trump effectue une visite en Arabie saoudite. Washington et Ryadh annoncent à cette occasion des contrats excédant 380 milliards de dollars, dont 110 pour des ventes d'armements américains au royaume wahhabite visant à contrer les«menaces iraniennes» et combattre les islamistes radicaux. Enchaînement des événements En juin, l'Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Yémen et l'Egypte rompent leurs relations diplomatiques avec le Qatar. Ils accusent l'émirat de «soutenir le terrorisme», et de se rapprocher de l'Iran. En octobre 2017, le royaume saoudien salue la décision du président américain Donald Trump de ne pas «certifier» l'accord sur le programme nucléaire iranien, signé en 2015 par l'Iran et six grandes puissances. Le 4 novembre, depuis Ryadh, que le Premier ministre libanais Saad Hariri annonce sa démission, accusant le Hezbollah et son allié iranien de «mainmise» sur le Liban. Le même jour, est intercepté au-dessus de la capitale saoudienne d'un missile tiré par les rebelles yéménites houthis, que l'Iran dit soutenir politiquement mais pas militairement. Dans sa déclaration, le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, a vu mardi dans ce tir une «agression militaire directe par le régime iranien» qui «pourrait être considérée comme un acte de guerre contre le royaume». L'Iran a rejeté ces accusations comme étant «contraires à la réalité». Le président Rohani a exhorté l'Arabie saoudite qui dirige depuis 2015 une coalition arabe au Yémen en soutien aux forces gouvernementales, à cesser les bombardements qu'elle mène sur les régions contrôlées par les rebelles Houthis et à mettre fin au blocus qu'elle impose à ce pays.«Vous (…) bombardez» les Yéménites «sans cesse» mais «lorsqu'ils vous répondent une fois avec une balle, c'est injuste? Que peut faire le peuple yéménite?» a-t-il indiqué. Mardi, face à l'intensification des bombardements de la coalition arabe, les rebelles houthis, issus d'une branche du chiisme, ont menacé de prendre pour cibles avec leurs missiles les aéroports et les ports saoudiens et émiratis. Le président iranien a par ailleurs fait un lien entre le regain d'activisme saoudien hors des frontières du royaume et la situation interne en Arabie saoudite. Vendredi, le chef du Hezbollah a accusé l'Arabie saoudite de «détenir» le Premier ministre libanais démissionnaire et d'avoir demandé de frapper le Liban. Saad Hariri «est détenu en Arabie saoudite, on lui interdit jusqu'à ce moment de rentrer au Liban », a déclaré le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lors d'une allocution télévisée. «Il est assigné à résidence », a-t-il assuré, réclamant à Ryadn de le «libérer». Le chef du mouvement chiite libanais a une nouvelle fois affirmé que Hariri, qui a aussi la nationalité saoudienne, a été «obligé» par les Saoudiens à présenter sa démission et à «lire un texte écrit par eux». Et «Ce qu'il y a de plus dangereux, c'est inciter Israël à frapper le Liban». Et de poursuivre : «Nous sommes aujourd'hui plus forts», mettant les Israéliens en garde «contre un mauvais calcul» stratégique. La veille, l'Arabie saoudite avait appelé ses ressortissants à quitter le Liban «le plus vite possible» et à ne pas s'y rendre. Début mars 2016, le Hezbollah, accusé de servir de tête de pont à l'Iran, est classé «terroriste» par les monarchies arabes du Golfe. La veille, son chef a accusé l'Arabie saoudite d'oeuvrer pour une «sédition entre musulmans sunnites et chiites».