Amar Ezzahi est un enfant de l'ex-Rampe Vallée (auj. Louni Arezki), vieux quartier traditionnel de célébrités de la musique et de la chanson citadines, à l'image de Mahboub Bati, Omar Mekraza, Kihiouedji le frère imprésario de l'emblématique Hadj M'Rizek, Amar Lachab, Fadela Dziria, Kadour Bachtobdji, Cheikh Kebaïli, entre autres notoriétés parmi lesquelles la regrettée comédienne, Aouiouchette. Quel palmarès élogieux pour cette voie sinueuse qui embrasse La Casbah sur le parcours de ses anciens remparts ! Un palmarès couronné prodigieusement par cette légende dont nous avions vécu les prémices de l'avènement vers une éclatante propulsion qui a conquis toute une jeunesse en Algérie et en dehors de ses frontières. Ainsi le chaâbi, patrimoine et école séculaire, a été par bonheur complété par un corpus poétique, lyrique et musical sous le label «Zahi» dont l'apport au rayonnement de la culture algérienne s'inscrit dans la pérennisation d'un legs patrimonial adapté aux mutations sociétales. En un élan de reconnaissance et de gratitude à l'endroit de l'artiste disparu, cette jeunesse a tenu à porter sur ses milliers d'épaules son cercueil drapé de l'emblème national jusqu'à sa dernière demeure au cimetière d'El Kettar. Le décryptage de cette puissante et poignante symbolique indique la démonstration expressive de cette jeunesse pour Amar Ezzahi qui, de sa vie, n'a jamais traversé les frontières de l'Algérie, bien que sollicité avec insistance pour se produire dans plusieurs capitales du monde. Il y a lieu ici de souligner la dynamique de renouveau introduite dans la chanson populaire par le mode «Zahi» dont l'engouement sociétal et artistique s'est étendu à la gent féminine mélomane, un fait sans précédent, car celle-ci était alors traditionnellement et quasi-exclusivement adepte des ensembles de femmes. Cette rétrospective synthétique serait incomplète sans évoquer la vaste audience du «Zahi» à travers toutes les régions du pays ainsi qu'à l'étranger où notre émigration, elle aussi subjuguée, compte d'innombrables fans de Amar Ezzahi envisagé comme un relais filial avec la mère-patrie. La meilleure illustration de ce formidable enthousiasme serait sans doute l'attrait de la lumineuse complainte d'apothéose, Dik Chemaa (La chandelle-là) dont la vogue profonde et mélancolique brille de nos jours encore. Enfin, il est indispensable d'évoquer le regretté Mahboub Bati, véritable matrice créative de la chanson populaire, lequel, grâce à son talent et sa perspicacité, a su découvrir en Amar Ezzahi une vocation de génie et l'accompagner vers les cimes de la célébrité. Ils deviendront ainsi, à eux deux, un tandem mythique de renouveau de la chanson populaire algérienne. A lui seul, Ezzahi constitue un thème fécond qui appelle à la réflexion, aux échanges, aux études et aux concepts novateurs auxquels nous nous attelons modestement à l'effet de contribuer à la mise en valeur de l'immense univers culturel du patrimoine «zahien». Episode fondamental de la révélation artistique majeure de Amar Ezzahi qui relève d'une rétrospective sourcée sur laquelle nous reviendrons en temps opportun à travers la genèse historique et mémorielle de sa fulgurante ascension et de son parcours hors du commun.
Lounis Aït Aoudia
L'auteur est président de l'Association des Amis de la rampe Louni Arezki-Casbah