La reconnaissance est la mémoire du cœur (Hans ANDELSON) Il y a 17 ans, décédait dans sa 81e année le 12 février 2000, à Alger, Mahboub Bati, qui a vu le jour le 17 novembre 1919 à Médéa, et s'est distingué durant le siècle en pionnier et visionnaire de l'art, du rythme et de la mélodie, qui, avec son génie créateur de musique a su propulser le patrimoine de la chanson chaâbie dans le mouvement ascendant en une trajectoire du futur orientée vers la jeunesse et les générations montantes. Mahboub BATI, un artiste prolifique, de création et de renouveau Cela fut un sursaut salvateur de ce monumental artisan du rayonnement d'un patrimoine ancestral, grâce à l'apport d'une œuvre d'immensité, dont il est l'auteur-compositeur au cours des années 1970, qui ont été une époque charnière de mutation générationnelle du mode et du corpus d'interprétation musicale à l'échelle universelle. Ce contexte a été celui de l'avènement du renouveau du patrimoine musical populaire, ainsi hissé à la dynamique cyclique d'une étape, où une trilogie ascensionnelle, dite «batienne», des Boudjemaâ El Ankis, El Hachemi Guerrouabi et Amar Ezzahi, a été la propulsion d'un élan vivifiant et attrayant pour la chanson chaâbie rudement supplantée dans la conjoncture par la chanson occidentale, orientale et celle du raï naissant. Une trilogie ascensionnelle dite Batienne des Boudjemaâ EL ANKIS, El Hachemi GUERROUABI et Amar EZZAHI Nesthel el kiya, de Boudjemaâ El Ankis, Fi aâmri aâchrine, de El Hachemi Guerrouabi et Yalâadra, de Amar Ezzahi furent autant de tubes d'un succès retentissant et subjuguant pour la jeunesse, qui ont inversé la proportion d'audience grandissante de la chanson populaire citadine châabie. Pour le surdoué de la mélodie et prosateur du millier de chansons qu'il était, Mahboub Bati incarnait aussi le rôle de «tailleur d'art lyrique» qui confectionnait aux chanteuses et chanteurs les plus célèbres des poèmes et des musiques «sur mesure», harmonieusement moulés à leur capacité vocale et à leur sensibilité d'interprétation, des proses rimées aux notes musicales et partitions de la chanson chaâbie et de la chanson moderne. C'est à ce titre qu'il est utile de se remémorer le palmarès de ces interprètes de grande notoriété qui ont puisé dans le «diwan» de Mahboub Bati, à l'image des temples de la chanson algérienne, Abderrahmane Aziz, Kamel Hamadi, Nora, Saloua, Amar Lachab, Boudjemaâ El Ankis, El Hachemi Guerrouabi, Amar Ezzahi et tant d'autres très nombreux pour être tous cités ici. La chanson châabie à l'épreuve du cycle des âges et du temps En artiste d'exception perspicace, il était un avide chercheur pédagogue en musicologie, qui scrutait les horizons d'évolution de la musique universelle pour s'atteler à l'essor de la musique algérienne à promouvoir au rythme du cycle temporel et générationnel de la chanson et de la mélodie. Une véritable audace de conviction et de motivation tenaces, à une époque ambiante d'un «purisme conservateur» stérile, figé, et introverti dans le repli de l'immobilisme et de la stagnation, à contre-courant de la réalité d'une profonde mutation sociétale et culturelle d'évolution temporelle constante. Cette jeunesse, en quête d'une dynamique de renouveau en matière de culture, d'art, de rythme, de chanson et de mélodies en harmonie avec ses aspirations d'évolution générationnelle, certes culturellement enracinés dans son patrimoine traditionnel ancestral, mais aussi naturellement orientés en direction de la perspective d'écoute et de regard vers l'universalité de l'avenir. D'une richesse poétique et musicale incommensurable, la chanson châabie est un legs multiséculaire à préserver à travers la vitalité féconde de ses segments d'un mode d'interprétation novateur en adéquation avec la réalité de l'époque et de ses générations. La jeunesse, un relais générationnel fondamental pour la pérennisation de la chanson chaâbie C'est cette jeunesse, qui en véritable matrice porteuse d'avenir, constitue le seul relais, privilégie la pérennisation de la chanson châabie à travers l'épreuve d'évolution cyclique des âges et du temps. Il est également opportun de rappeler que Mahboub Bati, en musicien virtuose accompli, avait la maîtrise et la dextérité instrumentale de toute une gamme de supports, à l'exemple du violon, du luth, de la guitare, de la mandole, de la percussion, de la clarinette et du saxophone Enfin, au panthéon du patrimoine musical algérien, le nom de Mahboub Bati est désormais incrusté en lettres d'or pour avoir génialement su découvrir une révélation du siècle en la légende de Amar Ezzahi et de son œuvre lumineuse adoptée pour être incarnée dans l'extase par des foules incommensurables de la jeunesse. Celle-ci, phénoménalement «envoûtée» par l'univers «zahien», est devenue une véritable grande école de création novatrice d'un legs générationnel et d'une immense célébrité en Algérie et au-delà de ses frontières. Pour redécouvrir la réelle dimension artistique de ce repère de la musique algérienne, il est recommandé de se référer à l'excellent ouvrage autobiographique que lui a consacré l'écrivain musicologue du patrimoine lyrique, Abdelkader Bendameche, sous le titre Mahboub Bati, un artiste de légende Aux regrettés Mahboub Bati et Amar Ezzahi, ces deux symboles flamboyants du patrimoine lyrique et musical, qui, par la volonté divine, se sont rejoints dans la paix céleste d'un monde meilleur et incha Allah au Vaste Paradis du Tout-Puissant, la culture et la nation algériennes leur seront éternellement reconnaissantes pour l'œuvre grandiose de rayonnement de la chanson populaire qui est la leur. En cette circonstance, nous évoquerons également en une pensée de gratitude l'ensemble des grands maîtres et serviteurs de l'art lyrique et musical algérien impérissablement ancrés dans la mémoire collective de l'univers du patrimoine traditionnel ancestral de notre pays. Lounis Aït Aoudia Président de l'Association des amis de la rampe Louni Arezki, Casbah