Etouffée dans l'œuf. La première radio privée, Radio Kalima-Algérie, créée le 25 janvier passé et diffusant sur le satellite Hotbird, à peine mise sur pied, qu'elle file déjà du mauvais coton. Le 18 mars, Eutelsat, le géant européen de services fixes par satellite (une flotte de 27 satellites, 3200 chaînes TV et 1100 stations de radio), a décidé de suspendre les programmes de la radio indépendante. Deux jours avant, le 16 mars, le site web de la Radio Kalima – une réplique de la radio libre tunisienne de Sihem Nasserdine – est devenu progressivement inaccessible. Censure officielle ? L'organisation non gouvernementale Reporters sans frontières (RSF) en est convaincue. Dans une déclaration diffusée sur son site web, RSF exprime ses « craintes » : « Nous craignons que cet acte de censure n'inaugure le début d'un contrôle d'Internet dans le pays. Nous demandons aux autorités algériennes de fournir des explications et d'ordonner le déblocage immédiat du site, effectué de manière arbitraire. Il ne faudrait pas que l'Algérie fasse son entrée dans la liste des pays qui censurent la Toile, sans quoi le droit à la liberté d'expression des Algériens en pâtirait. » RSF « menace » par ailleurs d'inclure l'Algérie dans la liste des Etats « ennemis d'Internet » et rappelle que la loi de juillet 2009 relative à la cybercriminalité n'est en réalité qu'une loi liberticide, prompte à légitimer la cybercensure. Cette loi donne aux autorités les moyens légaux d'ordonner des blocages de sites. En vertu de l'article 12, « les fournisseurs d'accès sont tenus d'intervenir, sans délai, pour retirer les contenus dont ils autorisent l'accès en cas d'infraction aux lois, les stocker ou les rendre inaccessibles dès qu'ils en ont connaissance. (…) Ils sont tenus de mettre en place des dispositifs techniques, permettant de limiter l'accessibilité aux distributeurs contenant des informations contraires à l'ordre public ou aux bonnes mœurs et d'en informer les abonnés ». Jean-François Julliard, le secrétaire général de RSF, dans une lettre au directeur général d'Eutelsat (opérateur basé à Paris), a dénoncé la décision d'« interruption subite » de la diffusion des programmes de la radio. « Une décision, écrit-il dans sa lettre, qui revient à censurer la première radio privée indépendante dans le pays, nuisant fortement au pluralisme de l'information. » RSF s'interroge sur les motivations d'Eutelsat, alors que cette société « vient de saisir l'Union internationale des télécommunications dans le but que cette dernière prenne des mesures contre la République islamique d'Iran, suite au brouillage de chaînes retransmises sur les satellites gérés par Eutelsat ».