Une pièce qui a tout ce qu'il faut pour susciter l'angoisse, mais aussi tout ce qu'il faut pour que l'on ait le cœur serré jusqu'à déserter la salle. Dans une démarche théâtrale qualifiée d'intelligente, l'auteur-metteur en scène, Haroun El Kilani, rappelle que tout ce qui est susceptible de pousser les comédiens à se surpasser sur scène l'intéresse. Projetés dans une atmosphère cruelle et éprouvante, Zerrouk Neka, Youcef Shiri, Fayçal Bounacer, Khalil Taleb, Rym Sehli et Tahar Ben Safi Eddine ne se privent pas du plaisir d'attiser le sentiment de gêne chez le public. L'ensemble, tantôt autorise un déferlement des passions humaines, tantôt laisse place à des formes indéfinies, mais propices à la rêverie. Un rêve de liberté. « C'est une petite prison, exiguë et sale, où les personnages cherchent une issue », tente d'expliquer le metteur en scène. « La geôle est en fait la réalité de notre vécu et les personnages en sont les pensionnaires », dit-il. Et d'ajouter : « Le rêve est-il encore permis lorsque le présent ne fait que se répéter et que le futur est exclu ? » La pièce, qui propose des mises en abîme additionnées, « relègue le texte au second plan, faisant ainsi la part belle au jeu des comédiens », note Boudjemaâ Djillali, de la troupe Moudja (Mostaganem). Lors du débat consacré à la pièce, l'assistance a été unanime à saluer un travail bien élaboré, une scénographie très maîtrisée, et surtout la touche distinguée du metteur en scène. En conclusion, on ne peut qu'apprécier cette belle pièce magnifiquement jouée par des comédiens talentueux. Par ailleurs, lors des débats consacrés aux spectacles admis en compétition, la question récurrente, à propos de l'acception des pièces théâtrales, était : productions ou créations théâtrales ? « Un grand nombre de troupes optent pour des textes difficiles, alors qu'ils ne disposent pas du savoir-faire nécessaire ; certains n'ont pas du tout leur place dans un festival qu'on dit professionnel », considère Saïd Bouabdallah, président de la coopérative Warchet El Bahia (Oran). Pour lui, il devient impératif d'encadrer les troupes théâtrales en engageant, à la base, un ambitieux plan de formation aux arts dramatiques. « C'est la seule manière d'accompagner l'effort consenti ces dernières années par les pouvoirs publics, et de préserver un acquis de taille, celui de l'aide publique à la création », poursuit-il. Les tréteaux de la pédagogie L'improvisation et la logique du « service fait » freinent indéniablement l'élan créateur, soutiennent de nombreux dramaturges. « Il faut investir dans l'écriture dramatique pour améliorer la qualité des représentations théâtrales, sinon, au rythme où vont les choses, on ne fera qu'encourager la médiocrité », prévient Ahmed Mehaoudi, animateur du café littéraire du théâtre de Sidi Bel Abbès. Contestant le fait que le théâtre connaît une crise de texte, il met l'accent sur « la nécessité de maîtriser le langage théâtral par l'organisation d'ateliers à même d'établir un peu d'ordre dans les codes théâtraux ». Le festival du théâtre professionnel, qui est un moment fort et significatif pour les gens de théâtre, doit donc permettre de faire le bilan d'une pratique minée par « des conflits d'intérêts surtout », s'accorde-t-on à dire. En aparté le plus souvent. D'ailleurs, l'impact de certaines représentations théâtrales, manquant de rigueur artistique, se fait ressentir sur le public. Résultat : le festival du théâtre de Sidi Bel Abbès a drainé très peu de spectateurs cette année. Un festival qui a pris fin hier avec, en clôture, Doumou'a el qamar (les larmes de la lune), spectacle conçu par Fadela Assous, dans le cadre de l'atelier formation du théâtre régional de Sidi Bel Abbès, en collaboration avec le département des arts dramatiques de l'université Djillali Liabes.