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L'autre guerre
Publié dans El Watan le 11 - 12 - 2017

Dans un communiqué, le général américain, qui dirige la coalition internationale luttant contre l'EI, a félicité le gouvernement irakien, mais a relevé que «beaucoup de travail reste à faire». «Nous continuerons à travailler avec nos partenaires irakiens pour assurer une défaite sur le long terme et empêcher (l'EI) de pouvoir menacer la civilisation au niveau régional et global», a déclaré le général Paul Funk.
La victoire militaire reste fragile, tant que les défis qui attendent les autorités de Baghdad ne sont pas relevés. Il s'agit pour le gouvernement central d'imposer son autorité sur l'ensemble du territoire. Il faut ensuite s'attaquer à la reconstruction, aux problèmes économiques et sociaux, endiguer la corruption, assurer une répartition équitable de la rente pétrolière et mener à bien les négociations avec le gouvernement régional du Kurdistan. En proclamant samedi la victoire contre l'EI, Al Abadi a annoncé que la prochaine bataille serait la lutte contre la corruption, véritable chancre qui corrode le développement du pays.
Autre dossier brûlant, l'avenir des paramilitaires du Hachd Al Chaabi, constitué en 2014 après l'appel à la mobilisation contre l'EI lancé par la principale figure spirituelle chiite d'Irak, Ali Sistani. Plus de 60 000 Irakiens ont répondu à l'appel et formé le Hachd Al Chaabi, dont Faleh Al Fayadh, conseiller à la sécurité nationale, est officiellement le dirigeant, constituant une coalition hétéroclite dominée par des milices chiites.
Les plus puissantes d'entre elles, comme Kataëb Hezbollah (Brigades du parti de Dieu) ou l'organisation Badr et Assaïb Ahl Al Haq (La Ligue des vertueux) sont souvent décrites comme patronnées par l'Iran. Outre ces milices, il y est relevé des forces dites de «mobilisation tribale», composées de combattants locaux qui ont soutenu les opérations dans les régions sunnites. Des unités ont également été formées, surtout dans le nord du pays, par les minorités, notamment chrétienne et yazidie. Les unités paramilitaires du Hachd sont devenues un supplétif indispensable pour les forces irakiennes face à l'EI, mais également un allié qui peut constituer un problème.
Ces milices ont été aux avant-postes pour stopper la progression de l'EI et le chasser des villes qu'il avait conquises. Mais elles se sont aussi rendues coupables de nombreuses exactions, selon des organisations de défense des droits de l'homme. La question de l'influence de l'Iran sur le Hachd est revenue au centre du débat, la semaine dernière, avec les déclarations du secrétaire d'Etat américain, Rex Tillerson, appelant «les milices iraniennes» à «rentrer chez elles».
Le Premier ministre Al Abadi a rejeté ces propos, multipliant les déclarations de soutien au Hachd, placé sous son autorité directe. Le Parlement, qui le considère comme «une institution de l'Etat» agissant «dans le cadre de la Constitution» irakienne, a voté l'intégration du Hachd au sein des forces régulières. Le nombre exact de ses membres fait débat : le Parlement en compte 110 000 alors que les estimations des experts varient de 60 à 140 000. «Les combattants du Hachd Al Chaabi sont des Irakiens qui ont combattu le terrorisme et défendu leur pays», a déclaré Al Abadi.
L'héritage Al Maliki
En quittant le pouvoir, Nouri Al Maliki laisse à son successeur Haïder Al Abadi, membre de son parti Dawa, un lourd héritage, à savoir la désintégration du pays, la déliquescence de l'Etat et une situation sécuritaire chaotique marquée par l'émergence des djihadistes de l'EI.
De leur côté, les Kurdes ont profité de cette déliquescence du pouvoir central pour s'emparer d'une ville importante, à savoir Kirkouk, zone riche en pétrole. Après avoir accédé en 2006 au pouvoir, Al Maliki, qui s'est présenté comme homme de compromis et de sens du devoir, a fini par déchanter en soufflant sur les tisons ethniques et religieux. Ainsi, le 11 octobre 2006 était adoptée la loi créant un Etat fédéral malgré l'opposition des sunnites.
Ces derniers voient en cette option une espèce d'ostracisme légal. D'autant que leurs régions, situées dans l'Ouest pour une partie majeure, sont désertiques et dépourvues de pétrole. Le 14 août 2007, une série d'attentats provoque la mort de plus de 400 personnes dans la province de Ninive, dans le Nord. Attentats imputés à la branche irakienne d'Al Qaîda. La tenue des législatives en mars 2010 aiguise de nouveau le confessionnalisme. Les chiites votent pour la liste de l'Etat de droit d'Al Maliki et l'Alliance nationale irakienne (ANI). Les sunnites optent en faveur de la liste laïque Iraqiya de l'ex-Premier ministre Iyad Allawi.
En novembre, les forces politiques du pays signent un accord sur le partage du pouvoir entre Kurdes, sunnites et chiites ; Jalal Talabani est réélu président et Al Maliki demeure Premier ministre. Les réformes sociales et économiques tardent à venir et la corruption s'érige en chancre pour gruger les deniers publics. D'où le mouvement de contestation populaire de février 2011 contre l'inertie du gouvernement face à ce fléau. Après avoir envahi le pays en 2003, éliminé Saddam Hussein et soutenu Al Maliki, les derniers soldats américains quittent l'Irak le 18 décembre 2011. Le lendemain, Al Maliki lance un mandat d'arrêt pour «complot» contre le vice-président sunnite Tarek Al Hachemi, qui se réfugie au Kurdistan. Le bloc Iraqiya dénonce la «dictature» du Premier ministre. Le pays sombre dans une crise politique. Entre-temps, les tensions atteignent leur paroxysme entre le gouvernement central et la région autonome du Kurdistan, notamment sur la question de l'exploitation des hydrocarbures.
Et en décembre 2012, d'importantes manifestations éclatent dans le bastion sunnite d'Al Anbar, à l'Ouest, appelant au départ d'Al Maliki, auquel il est reproché d'avoir marginalisé les populations de cette région de par son autocratie. Cette crise politique et la situation sécuritaire chaotique qui prévaut dans le pays constituent une aubaine pour les djihadistes de l'EI et des membres de tribus hostiles au gouvernement pour prendre, en janvier 2014, le contrôle de Falloujah et des quartiers de Ramadi (Al Anbar). Depuis, ils contrôlaient une partie importante du territoire.


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