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Slimane Oukil, un «incrusté» dans l'âme de ces grands cheikhs
De Si Mohand Ou Mhand à Si Mohand Ou L'hocine
Publié dans El Watan le 13 - 01 - 2019

Malgré ses 70 piges, Slimane Oukil, natif du village d'Amegdoul, dans la commune de Tirmitine
(daïra de Draâ Ben Khedda, Tizi Ouzou), garde merveilleusement la pêche.
Droit comme une planche et fin longiligne, qu'envierait un mannequin, Slimane, que «trahissent», quelque peu, sa toison presque en neige et son début de calvitie, est un adepte invétéré des poésies de ces grands cheikhs. Une habitude qui l'habite au point de conserver en mémoire quasiment tout le répertoire de Si Muhand Ou M'hand.
Et pas seulement, puisque Slimane est aussi capable de vous narrer l'histoire du «barde errant» depuis son enfance, sans, néanmoins, en être en mesure de donner la date plus ou moins précise de sa naissance, «probablement au milieu des années 1840», dit-il, étant donné que l'état civil en Kabylie n'a commencé que vers 1891.
Son décès remonte à 1906, à l'âge 63 ans, à Askif n-Tmana (Aïn El Hamam), dit-on, soit cinq années après celui de son alter égo en matière de «voyance et de prédiction des choses de la vie», Cheikh Mohand Ou-L'hocine. Par la même méthode, Slimane maîtrise aussi un peu l'histoire de cet autre cheikh de Taka n'Ath Yahia, sa poésie et ses anecdotes desquelles il est constamment épris.
Il a acquis une telle passion pour les œuvres de ces légendaires poètes, grâce à ses lectures d'autodidacte ayant goulûment «avalé» livre sur livre traitant de ces personnages extraordinaires des 19e et 20e siècles, avec leurs poésies orales intarissables.
«Mon admiration pour ces cheikhs n'a pas de limites, tant ils me paraissaient comme des prophètes de leur ère, prédisant des choses à venir et qui se réalisent, même aujourd'hui encore, me semble-t-il. Surtout lorsque les circonstances d'alors les y ‘‘poussaient intérieurement'' devant leurs visiteurs, leurs hôtes, qui venaient s'imprégner, en tant que pèlerins des lieux saints de Askif n'Tmana, par exemple, s'agissant de Si Mohand Ou-L'hocine, de leur immense sagesse et des conseils et orientations qu'ils donnaient avec leurs respectives proses orales», estime-t-il.
Le don de Slimane Oukil est aussi cette ferveur pour la lecture de tout recueil de poésie ou autre ouvrage traitant du domaine, au point qu'il est devenu poète lui-même. Ce domaine lui apprend à «marquer» toute pause dans ses discussions par des exemples et des anecdotes du siècle passé, mais s'adaptant admirablement aux temps présents.
Lorsqu'il est engagé dans une discussion, Slimane déroule les choses avec des proverbes et des poèmes dictés déjà à des hôtes d'un temps lointain par Si Mohand Ou-Mhand ou Cheikh Mohand Ou-L'hocine, et en des circonstances ayant été à l'origine de leur composition, de l'opportunité de leur diction.
Slimane est capable de vous mener d'un poème à un autre de Si Mohand, qu'il vous déclame, mais toujours après avoir narré l'événement l'ayant suscité, des circonstances amoureuses dont notre cheikh était fréquemment épris, dans sa battante jeunesse, jusqu'à celles l'ayant vu vagabonder, pieds nus, d'une contrée à l'autre, jusqu'en Tunisie, puis au retour chez lui.
Cheikh Mohand Ou L'hocine émettait des vœux de le voir, tandis que Si Mohand Ou M'hand n'osait pas, par respect, aller le voir du fait surtout qu'il se trouvait fréquemment sous l'effet d'un joint de kif ou d'un verre de vin consommé, même à de longues heures auparavant.
En 1965, Slimane, étant alors juste sorti de son adolescence, s'intéresse à la radio en composant des poèmes qu'il enregistrait à l'émission Nnuva iheffaden (émission pour apprentis chanteurs) de la Chaîne 2. Tout jeune donc il a fait un peu de l'émission avec Rachid Mesbahi, Ouchene Amghar, Chioukh Hamid, Atmani, Aït Menguellet…
En 1968, Slimane s'en va en France pour y travailler, tout en se consacrant à la lecture de tout ce qui lui passait sous les yeux, notamment les livres et recueils de poésie, sa prédilection, pour s'auto-former dans le domaine. Il lira et relira Mammeri, Maspéro, Hanoteau, Younes Adli, Tassadit Yacine, Boulifa, Feraoun… Aujourd'hui septuagénaire, notre poète vit toujours en France, où il est représentant des vins d'Algérie (ONCV).
Avec un palais connaisseur et des sens olfactifs aigus, Slimane peut vous proposer, tel un sommelier, le convenable breuvage d'accompagnement de tout mets, d'où son exercice de ce métier, dont sont rares aujourd'hui les pratiquants en Algérie. Il avoue que la modération avec le bon vin, épouse parfaitement la muse poétique.
C'est là que Slimane tonnera son «incompréhension» quant à «l'absence de la moindre proposition d'immortaliser les noms de ces immenses poètes de l'oralité par quelque rue ou édifice publics.
Et, de mon point de vue, c'est peu donner pour les mémoires de Si Mohand Ou M'hand et de Si Mohand Ou L'hocine, deux illustres sages, aèdes de cette région, qui ont prédit énormément de choses, y compris la colonisation et la décolonisation de l'Algérie», fera encore remarquer Slimane Oukil.
L'errance de Si Mohand Ou M'hand, précise Slimane, a commencé lorsque, adolescent, il a vu son village, Annar Oujilvane (Larbaâ Nath Irathen) détruit par les troupes du général français, Randon, et son père lâchement assassiné par la même armée colonialiste.


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