Depuis l'annonce faite par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, de limiter le montage des véhicules (légers et utilitaires) à seulement dix entreprises, c'est le branle-bas de combat dans le secteur. La décision du même Premier ministre de s'accorder un mois pour revoir sa copie n'était pas suffisante pour rassurer plus de 40 entreprises de montage de véhicules tous poids confondus. Les déclarations des responsables se succèdent et ne se ressemblent pas, témoignant d'une anarchie totale dans la gestion de ce dossier. En vedette, Ahmed Ouyahia a déclaré à Alger, en marge de la 26e édition de la Foire de la production algérienne, que «si l'Etat a bloqué l'importation de 500 000 unités équivalant à 6 milliards de dollars, ce n'est pas pour importer l'équivalent en véhicules SKD». Or, jusqu'à preuve du contraire, le Premier ministre a précisé dans sa note du 14 décembre 2017 que Sovac propose de produire à terme 100 000 véhicules/an ; Tahkout : 100 000 véhicules/an ; Renault : 75 000/an ; Peugeot 100 000/an et Nissan 60 000 véhicules/an. Concernant les véhicules utilitaires : SPA Salhi (3000 camions/an) ; Ival – Iveco : 8000 véhicules/an chacun ; Sarl Tisram : 100 unités et GM Trade non précisé. Ainsi, la totalité des quotas de véhicules – légers et utilitaires – retenue dans la note de Ouyahia s'élève à près de 500 000 automobiles. Et à raison de 10 000 dollars en moyenne par kit SKD, cette quantité de près de 500 000 unités revient à 5 milliards de dollars. Pis, à cela il faut ajouter un manque à gagner pour le Trésor public en matière d'avantages fiscaux (TMC, TVA, etc.) qui se chiffrent à près de 50% du coût du véhicule. «Saviez-vous que le véhicule importé en kit SKD revient plus cher qu'en produit fini ? C'est une majoration de 15% puisque la voiture est initialement neuve. A sa sortie de l'usine, elle est transférée dans une autre qui va la transformer en kit SKD. Ce qui génère un coût supplémentaire à celui initial du véhicule. Mais la politique de l'Etat d'intégrer cette industrie ne fait pas cas de cette situation», expliquent des spécialistes en la matière. On se souvient qu'en 2016, les prévisions du ministère du Commerce ont fixé une facture d'importation des véhicules à 1 milliard de dollars, contre 3,14 milliards de dollars (265 523 véhicules) en 2015 et 5,7 milliards de dollars en 2014 (417 913 unités), et ce, pour tous les concessionnaires exerçant dans le secteur de l'automobile. Dans ce «désordre organisé», le ministère du Commerce est venu s'associer en annonçant le 2 janvier 2018, le retour des licences d'importation de véhicules aux «opérateurs économiques dont l'activité de production ou de distribution est liée directement aux produits soumis au contingent ouvert. Un avis public annoncera l'ouverture de ces contingents de véhicules à importer et précisera la nature et la consistance des marchandises dont l'importation est soumise à l'obtention d'une licence ». Or, en 2017 aucune autorisation d'importation de véhicules n'a été accordée aux concessionnaires. Ce qui n'est pas fait pour bloquer les importations. En effet, selon un décompte officiel du Centre national de l'information et des statistiques des Douanes (CNIS), rapporté par l'APS, la facture d'importation des véhicules (tous poids confondus) ainsi que des collections CKD destinées à l'industrie de montage de ces véhicules s'est établie à plus de 1,8 milliard de dollars sur les 11 premiers mois de l'année 2017. «Par catégorie, la facture d'importation globale des véhicules de tourisme et des collections CKD destinées à l'industrie de montage de ce type de véhicule a grimpé à près de 1,43 milliard de dollars sur les 11 premiers mois de 2017 contre 1,23 milliard de dollars à la même période de 2016, soit une hausse de 200 millions de dollars», détaille la même source. D'autres sources proches du cabinet d'Ouyahia affirment que l'on s'attelle actuellement à la révision des dossiers des entreprises de montage des véhicules, où l'un des critères portera sur les déclarations fiscales des concessionnaires. «Il faut savoir que plusieurs d'entre eux déclarent depuis des années des bilans négatifs, sinon des bénéfices très faibles et se portent aujourd'hui candidats. Sans envergure dans le domaine, ils bénéficient en 2017 de lettres de crédit allant jusqu'à 750 millions de dollars. Quelque 300 millions étaient réservés pour une seule entreprise dont le bilan fiscal est négatif. Et dire au peuple algérien qu'on est en crise économique. Le deux poids, deux mesures n'arrangera jamais l'économie nationale, encore moins l'image du pays», révèlent des sources au ministère du Commerce. A vrai dire, la situation dans ce secteur ne prête pas à l'optimisme. Et Ouyahia en chef d'orchestre égrène de fausses notes frisant la contradiction. Sinon comment expliquer que la Taxe de mise en circulation (TMC) établie par lui-même pour compenser le Trésor public suite à l'abaissement des droits de douane tel qu'exigé par l'OMC est actuellement annulée par le même Ouyahia ? Dans les pays émergents le SKD et le CKD sont adoptés pour réduire la facture d'importation de 15 à 40%. En Algérie, la politique prônée par le Premier ministre dans ce dossier est à revoir de fond en comble. Pour preuve, la Golf qui coûtait il y a trois années 1,65 million DA est actuellement à 3,6 millions DA.