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Grève des résidents : sauront-ils comment formuler leurs revendications pédagogiques ?
Publié dans El Watan le 09 - 01 - 2018

Les résidents de médecine réclament aujourd'hui une formation médicale de qualité, car conscients qu'ils sont la cheville ouvrière de toutes les activités hospitalières des soins de santé et d'apprentissage des diverses catégories d'apprenants en sciences de la santé. Leur problématique est multidimensionnelle : curriculaire, socioéconomique et culturelle comme dans la plupart des facultés de médecine du monde.
La nouveauté dans ces revendications est surtout d'ordre pédagogique, mais n'y a-t-il pas une autre façon de les formuler en termes de requêtes pédagogiques cohérentes ? Pour ce faire, une compréhension des contextes socioculturels des facultés de médecine algériennes et des problématiques de dimension pédagogique s'avère plus que nécessaire pour espérer résoudre et comprendre cette demande.
En effet, pour une faculté de médecine, le résident doit être au cœur de sa préoccupation pédagogique. De plus, toute faculté de médecine est susceptible d'être soumise à l'obligation de répondre aux besoins pédagogiques de ses apprenants en termes de la qualité des enseignements et des apprentissages en sciences de la santé.
On attend souvent des résidents de médecine qu'ils accordent une très grande importance à la qualité du service médical qu'ils offrent aux patients. Pour ce faire, la qualité de l'expertise tant médicale que pédagogique des résidents et des formateurs hospitalo-universitaires est plus que primordiale. En d'autres termes, la formation en pédagogie est l'indicateur des prestations de santé de haut niveau, car il est évident qu'il faut être bien formé pour espérer offrir des soins de santé de qualité.
De plus, les facultés de médecine ont également pour mission fondamentale de fournir à la société des médecins compétents et autonomes en mesure d'assurer, partout en Algérie, des prestations de soins de première et deuxième ligne. Pour ce faire, chaque faculté de médecine est responsable de l'ensemble du cheminement pédagogique des résidents qui lui sont confiés par la société, et cela pour toute la durée du programme de formation en sciences de la santé. Hélas, les facultés de médecine n'arrivent pas à procurer des apprentissages selon les normes pédagogiques en vigueur.
Par ailleurs, pour faire de nos facultés de médecine des lieux d'apprentissage crédibles et innovants, un point est souvent oublié : la pédagogie. Or, c'est par la pédagogie que fonctionne toute faculté de médecine en tant qu'instance de construction du savoir. De plus, afin de mieux répondre aux besoins actuels des sociétés des savoirs et des soins de santé, la conférence des doyens et les responsables du ministère de l'Enseignement supérieur (MESRS) entreprennent actuellement de nécessaires réformes des curriculums de formation en sciences de la santé.
A cet effet, il est essentiel de suivre une démarche cohérente et rigoureuse pour la refonte des programmes disciplinaires selon les normes modernes en sciences de l'éducation et de renfoncer les pratiques enseignantes par des démarches d'apprentissage à la pédagogie des sciences de la santé.
La problématique essentielle sur laquelle les résidents de médecine centreraient leurs revendications pédagogiques est principalement la réforme du curriculum de formation médicale en voie d'élaboration. Le curriculum de formation médicale est le parcours pédagogique nécessaire pour tout résident de médecine admis à l'intérieur d'un projet d'apprentissage en sciences de la santé dont la finalité est de fournir à la société des médecins compétents et autonomes.
A cet effet, la médiocrité de la formation médicale dont se plaignent les résidents de médecine est due surtout à la nature même de ce curriculum de formation, car il est basé sur des listes et des titres d'ouvrages et souvent sans objectif pédagogique. De plus, les résidents de médecine ne sont pas informés ni des méthodes d'enseignement ni des activités de formation pour favoriser des apprentissages en profondeur.
Ce curriculum de formation médicale en genèse doit tout simplement respecter l'alignement pédagogique, selon une approche par compétence ainsi que la valorisation des pratiques pédagogiques et surtout de l'acte d'enseigner. Cet alignement consiste à accommoder les objectifs d'apprentissage de chaque programme disciplinaire avec les méthodes d'enseignement, les activités pédagogiques et l'évaluation des apprentissages.
Pour ce faire, une réforme profonde du curriculum de formation médicale et notamment des pratiques pédagogiques est nécessaire, car la qualité de l'expertise médicale et surtout de l'expertise pédagogique des formateurs hospitalo-universitaires sont primordiales pour espérer une amélioration de la qualité de la formation médicale et des apprentissages en sciences de la santé en particulier.
A la faculté de médecine moderne, l'enseignement constitue sa mission première, et la question de la qualité de l'acte d'enseigner dispenser doit être plus que jamais au cœur des préoccupations des autorités facultaires et des doyens.
De plus, l'un des facteurs pour promouvoir la qualité de l'acte d'enseigner est la compétence pédagogique des enseignants hospitalo-universitaires, voire même des résidents de médecine, car le statut actuel du résident l'astreint à compléter des activités d'enseignement en plus de prodiguer des soins de santé, et enseigner en sciences de la santé est un métier qui évolue, et pourtant, que font les facultés de médecine pour préparer leurs enseignants à l'exercice de cette mission première ?
Par ailleurs, enseigner en sciences de la santé n'est pas aussi simple que l'on prétend, car l'enseignement de la médecine est une activité beaucoup plus complexe. De plus, cette dernière ne doit plus être un exercice de transmission des connaissances par le biais d'exposés magistraux unidirectionnels. L'enseignant en sciences de la santé est amené à animer des études de cas, à concevoir et à superviser les résidents, encadrer des stagiaires, des projets en équipe, et à organiser des ateliers et des séances d'apprentissage par problèmes et de raisonnement clinique.
On se rend compte à ce stade de réflexion que la formation à la pédagogie médicale est la matrice qui doit accompagner et soutenir toute réforme curriculaire en sciences de la santé, car l'un des facteurs pour promouvoir la qualité de la formation médicale est la compétence pédagogique des enseignants hospitalo-universitaires.
Le point crucial de ces revendications pédagogiques est certainement l'évaluation des apprentissages en sciences de la santé, car évaluer est souvent perçu comme un acte politique, vu qu'une décision importante doit être prise et qui déterminera tout un projet de carrière et de progression curriculaire d'un médecin résident.
A cet effet, il est admis que la rétroaction pédagogique est souvent négligée alors que l'évaluation doit être un outil au service des apprentissages et non un instrument de contrôle ou de sanction. De plus, le médecin résident développe souvent des compétences autant dans son domaine d'expertise disciplinaire que des compétences transversales qui ne sont pas prises en considération lors de l'évaluation des apprentissages.
De plus, l'évaluation des apprentissages par le biais du carnet du résident ne répond plus aux normes docimologiques. Il est plus important d'évaluer périodiquement des stages de formation que d'évaluer des apprentissages sommatifs, finaux et sanctionnants. A cet effet, il faut favoriser des évaluations formatives selon une approche par compétence, de telle façon qu'en cas d'échec, le médecin résident aura à refaire le stage d'apprentissage en question et non pas toute une année de formation.
En d'autres termes, le carnet du résident est devenu obsolète et ne satisfait pas les besoins d'évaluation des apprentissages, et sa réforme est une obligation éthique et déontologique. Les évaluations formatives peuvent alimenter l'équivalent d'un dossier des apprentissages dit aussi portfolio d'apprentissage.
Les résidents de médecine ne devraient pas refuser l'évaluation des apprentissages pour être admis au palier supérieur du cursus de formation, mais réclamer que cette évaluation se fasse selon les normes docimologiques en vigueur ailleurs dans le monde et selon l'approche par compétences.
En effet, les problématiques principales sont les modes, les méthodes et les outils d'évaluation des apprentissages qui sont mis en cause et non pas le principe de l'évaluation des apprentissages lui-même. En effet, il est reconnu que l'évaluation des apprentissages se fait avec des méthodes et des outils docimologiques obsolètes qui évaluent la quantité des connaissances acquises et mémorisées par le médecin résident.
En d'autres termes, l'évaluation finale à chaque cursus de formation est centrée sur l'expertise disciplinaire du point de vue cognitif et non pas sur des examens centrés sur des pratiques cliniques du point de vue psychomoteur, et non plus, ni sur les compétences transversales développées par le résident durant son cursus de formation.
Il est vrai que les médecins sont parmi ceux qui n'ont pas eu de formation à la pédagogie médicale et à l'acte d'enseigner durant leur cursus de formation en sciences de la santé. Il est essentiel de traiter en amont les problématiques par une réforme majeure des textes et des arrêtés ministériels régissant le concours de maîtrise hospitalo-universitaire.
Cette réforme est plus que nécessaire pour s'adapter à l'évolution de la réalité professionnelle, à l'approche pédagogique des enseignements en sciences de la santé et de la formation médicale en général. Pour ce faire, l'apprentissage à la pédagogie médicale pour les hospitalo-universitaires est plus que souhaitable. En d'autres termes, se former à la pédagogie médicale pour enseigner représenterait une dimension éthique et déontologique en sciences de la santé.
Finalement, il est également essentiel que le MESRS révise les normes de sélection et de promotion des médecins enseignants hospitalo-universitaires tout en intégrant la certification et la formation à la pédagogie médicale comme critère de sélection, de recrutement, de nomination et de titularisation des médecins hospitalo-universitaires. Pour ce faire, une pondération conséquente doit être consacrée aux apprentissages à la pédagogie appliquée en sciences de la santé.


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