Le double attentat à la voiture piégée, qui n'a pas été revendiqué, s'est produit mardi soir dans le centre de ville de l'est du pays miné par l'insécurité et les rivalités politiques depuis la chute en 2011 du régime de Mouammar Kadhafi après une révolte populaire. Selon l'analyste libyen Mohamed Eljarh mercredi, la méthode utilisée dans les attaques, parmi les plus meurtrières ces dernières années en Libye, vise clairement à faire le plus grand nombre de morts possibles.
Mardi soir, au moment où les fidèles sortaient d'une mosquée dans le quartier Al-Sleimani, un véhicule piégé a explosé. Trente minutes plus tard, une seconde voiture explosait alors que forces de sécurité et civils s'étaient rassemblés pour venir en aide aux victimes de la première attaque, selon une source de sécurité.
Selon un dernier bilan compilé à partir d'informations des deux principaux hôpitaux de la ville, 34 personnes ont péri et 87 ont été blessées dans le double attentat. Le bilan pourrait s'alourdir, plusieurs blessés étant dans un état grave et d'autres victimes auraient été admises dans des cliniques privées.
La mission de l'ONU en Libye (Manul) et le gouvernement d'union nationale (GNA), basé dans la capitale Tripoli et soutenu par la communauté internationale, ont condamné l'attentat.
'Cellules dormantes'
Ahmad al-Fitouri, un responsable des services de sécurité dépendant des forces du maréchal Haftar, l'homme fort de l'est libyen, a été tué dans l'attentat, selon un porte-parole militaire, Miloud al-Zwei. La mosquée près de laquelle le double attentat s'est produit est connue pour être un fief de groupes salafistes qui ont combattu les jihadistes à Benghazi aux côtés du maréchal Haftar. Ce dernier soutient un gouvernement parallèle au GNA, qui a décrété trois jours de deuil dans l'est libyen. Il a ordonné mercredi l'ouverture d'une enquête pour traquer les auteurs de ces attentats "terroristes", a rapporté l'agence libyenne loyale aux autorités de l'est.
Ces attentats ont lieu alors que le maréchal Haftar avait annoncé à l'été 2017 avoir débarrassé Benghazi, un millier de km à l'est de Tripoli, des groupes jihadistes après plus de trois ans de combats meurtriers. Mais ses forces accusent des "cellules jihadistes dormantes" qui visent régulièrement les commandants et membres de l'Armée nationale libyenne (ANL) auto-proclamée par le maréchal Haftar.
'Crime ignoble'
Le GNA a condamné "un crime ignoble" et un "acte terroriste et lâche". Sur son compte Twitter, la Manul a dénoncé "les terribles attentats", soulignant que "les attaques directes ou aveugles contre les civils constituent des crimes de guerre".
L'ONU a défini un plan d'action qui prévoit notamment des élections en 2018, afin de tenter de sortir le riche pays pétrolier de la crise. Les deux principaux rivaux, le chef du GNA, Fayez al-Sarraj, et le maréchal Haftar, se sont engagés sur un processus de sortie de crise le 25 juillet 2017 en France sous les auspices du président Emmanuel Macron, prévoyant notamment des élections en 2018. Mais leur rapprochement reste depuis laborieux et compromis par les incertitudes sur les intentions du maréchal Haftar, accusé par ses détracteurs de vouloir prendre le pouvoir et instaurer une dictature militaire.
La ville de Benghazi a été particulièrement touchée par des violences visant notamment les représentations diplomatiques et les forces de sécurité. Une attaque contre le consulat américain, le 11 septembre 2012 avait coûté la vie à l'ambassadeur Christopher Stevens ainsi que trois autres Américains.