Classés, le 2 février 2001, sur la liste des zones humides à protéger par la Convention Ramsar à laquelle l'Algérie a adhéré en 1982, les marais de la Macta qui sont localisés à 17 km de la ville de Mohammadia (43 km de Mascara) s'étendent sur une superficie globale de 44 500 hectares et chevauchent sur trois wilayas. La plus grande partie se trouve sur le territoire de Mascara, avec 42 139 hectares, soit 94,70% de la superficie des marais de la Macta répartie sur sept communes de la wilaya, à savoir Alaïmia, Bouhenni, Macta Douz, Mohammadia, Sig, Ras Aïn Amirouche et Sidi Abdelmoumène. Le reste de la superficie est partagé entre la wilaya d'Oran (Mers El Hadjadj et Bethioua)avec 1436 hectares, soit 3,22%, et la wilaya de Mostaganem (Fornaka) avec 925 hectares, soit 2,08%. «Les marais de la Macta représentent un type de zone humide rare en Afrique du Nord en raison de la diversité des milieux qu'ils renferment et notamment les sansouires qui rappellent les milieux de la Camargue en France. Ce site est unique en Algérie de par la présence d'une diversité de groupements de salsolacées annuelles qu'ils renferment et qui forment rarement de telles associations dans d'autres régions», lit-on dans un document de la Direction générale des Forêts. Et d'ajouter : «Les marais de la Macta abritent une grande diversité biologique, on y retrouve une grande variété d'espèces végétales halophiles, de nombreux invertébrés ainsi que des poissons. Des ornithologues étrangers ont recensés pas moins de 47 espèces d'oiseaux d'eau dont 17 limicoles, 11 espèces marines et 16 espèces de rapaces ainsi que de nombreuses espèces terrestres, y compris celles qui sont rares telles que l'outarde canepetière et la sarcelle marbrée. La présence d'une végétation importante permet la nidification de nombreuses espèces telles que la poule sultane, le butor étoilé et le héron pourpré. La nidification de certaines espèces a été confirmée par le passé comme la sarcelle marbrée et le tadorne casarca. L'outarde canepetière y était présente toute l'année ainsi que le flamant rose. Les poissons de cette région sont représentés par l'anguille qui pénètre dans cette zone en raison de l'embouchure de l'oued qui débouche dans la mer Méditerranée, ainsi que la carpe, le barbeau et la gambuse. De nombreux amphibiens et reptiles y sont également présents». La zone humide de la Macta est réputée, selon un document officiel, «pour l'avifaune (représentée par 33 espèces réparties sur 9 familles) qui émigre, particulièrement durant la période hivernale ; cette zone est un refuge parfait pour la nidification de nombreux sédentaires». Ainsi, «elle regroupe une végétation diversifiée assez homogène et couvre un taux élevé de la superficie totale. Les espèces faunistiques y trouvent un lieu de reproduction et de repos.» Perte Mais toute cette richesse en biodiversité est menacée de destruction. «La zone humide et son environnement subissent une perte de la diversité biologique très grave due à trois contraintes : deux d'origine naturelle (conditions édaphiques et le climat) et la troisième liée aux activités humaines concentrées dans le parcours et le défrichement», révèle un bureau d'étude, en l'occurrence MATH Constantine, dans son projet d'étude d'aménagement de la zone humide de la Macta. La menace vient surtout des futurs projets d'infrastructures que prévoient d'entreprendre les pouvoirs publics sur la zone humide de la Macta, notamment une nouvelle liaison ferroviaire entre Mostaganem et Mers El Hadjadj (Oran), sur une longueur de 27 km, et du port de la Macta. Ces deux projets dits de développement, portent, sans doute, atteinte à l'intégralité de l'écosystème de la zone humide de Mascara qui se traduit par la destruction pure et simple de la faune et la flore. Le projet du port de la Macta prévu dans le Schéma directeur de l'aire métropolitaine (SDAAM) d'Oran, selon l'auteur de l'étude, «aura un impact direct sur les valeurs écologiques les plus importantes qui se concentrent à l'embouchure de la Macta où les plans d'eau sont permanents et les zones de marais les plus importants». Et d'ajouter : «Le projet interrompra également l'interface entre la zone humide et la mer Méditerranée, modifiant ainsi les aspects fonctionnels de l'écosystème existant. La perte de connectivité entre les écosystèmes marins et ceux de la zone humide sera aggravée, empêchant la montée de migrateurs comme l'anguille et provoquant des déséquilibres importants dans les communautés végétales». De son côté, le projet d'une nouvelle liaison ferroviaire entre Mostaganem et Mers El Hadjadj (Oran) contribuera grandement à la dégradation de l'écosystème de la zone humide. En sus des menaces qu'elle encourt, d'autres contraintes sont à l'origine de la dégradation des habitats de la zone humide de la Macta. Parmi elles, les rejets des eaux usées domestiques et industrielles qui coulent dans les oueds et qui sont véhiculées automatiquement vers la zone humide. Le cas de l'oued de Sig, considéré comme «la principale source de pollutions». En plus, des spécialistes de l'environnement ont tiré la sonnette d'alarme sur la multiplication des décharges sauvages qui présentent de sérieuses menaces à la conservation de la Macta. Le rapport du bureau d'étude révèle l'existence de nombreuses décharges illégales qui «constituent une pression directe sur la zone humide, notamment pour la contamination des sols et de la nappe phréatique par les lixiviats». Déchets Dans un autre document, nous pouvons lire : «La zone humide est exposée à des menaces d'origine endogène (salinisation, érosion hydrique et érosion éolienne) ou encore face à des perturbations exogènes le cas de pompage, pâturage et pollution». En sus, «la Macta regroupe un total de 25 décharges dont 8 sauvages et 7 autorisées mais non classées. Ces sites reçoivent tous types de déchets sans tri ou traitement préalable». L'auteur de l'étude révèle, en outre, que «les valeurs écologiques des marais de la Macta sont menacées par une pression démographique grandissante et par l'occurrence de phénomènes météorologiques extrêmes, avec de longues périodes de sécheresse et des pointes de précipitations et de crues. Ainsi, l'apport important de sédiments dans la plaine de la Macta contribue à l'envasement progressif des drains et plans d'eau existants, avec une perte conséquente du volume et des surfaces d'eau. Les rejets d'eaux usées, d'origine domestique et industrielle dans les principaux drains de la plaine de la Macta, certaines sans traitement préalable, contribuent à la dégradation de la qualité de l'eau du réseau hydrique et aquifère qui alimente la zone humide.» L'ex-wali de Mascara, Ouled Salah Zitouni, par le biais d'un document adressé aux walis d'Oran et Mostaganem, a souligné qu'«au vu de son implantation géographique et l'importance de la richesse écologique qu'elle renferme en faune et en flore, la prise en charge de la zone humide de la Macta appelle une contribution solidaire des services techniques des trois wilayas (Mascara, Oran et Mostaganem) concernées par son étendue géographique pour sa protection de toute agression et sa préservation en permanence». A cet effet, un budget de 10 millions de dinars environ a été dégagé par la wilaya de Mascara pour la réalisation d'une étude — programme 2013 — relative à l'aménagement de cette zone qui a été confiée au bureau d'étude MATH Constantine qui vient d'achever la quatrième étude dont le rapport est en discussion. «Le projet d'étude d'aménagement de la zone humide de la Macta a pour objectif l'aménagement et la mise en valeur du site pour la conservation de la zone humide dans le cadre du développement durable», lit-on. En outre, le rédacteur de l'étude a tenu à souligner qu'«en l'absence d'action dirigée, il sera de plus en plus difficile de récupérer les espaces naturels dégradés. Face à la tendance évolutive actuelle, la dégradation de la zone humide de la Macta pourra être bientôt irréversible.» A titre de rappel, le 16 octobre 1983, sept scientifiques belges, français, hollandais ont alerté le wali d'Oran sur «les sérieux problèmes» que connaît la Macta. Ils lui ont demandé «d'interdire toute circulation du public et des animaux domestiques dans la forêt des dunes de la Macta, d'interdire les décharges d'immondices dans les milieux de grand intérêt biologique et de remplacer la lutte chimique contre les moustiques par une lutte biologique en introduisant un poisson, tel le gambusie capable de s'attaquer au larves des moustiques.»