Sans parler des scènes d'horreur, malheureusement bien réelles de notre histoire récente, il y a certainement matière à faire des films d'horreur en puisant dans la culture populaire et la mémoire collective algériennes. Entre esprits frappeurs et exorcismes, sorcellerie et djinns, le surnaturel est finalement tout a fait «naturel» sous nos cieux. On ne parlera pas ici des charlatans, qui ont bien compris tout l'intérêt à tirer de ces croyances, mais des possibilités artistiques que pourrait offrir ce gisement surnaturel. Le cinéma a, par exemple, relativement peu exploité le filon. Certes, faute de moyens et de savoir-faire, un film d'horreur peut très facilement tourner en film comique. Il suffit de revoir les anciennes productions hollywoodiennes en la matière. Mais avec un bon scénario et un bon réalisateur, on peut tout à fait surmonter ce handicap. L'Exorciste ou Nosferatu le vampire (1922 !) ont bien résisté à l'évolution technique. Le film M, que vient de sortir le réalisateur Omar Zeghad, se présente comme le «premier film d'horreur algérien». Une grande promesse que les spectateurs pourront vérifier ce soir (18h) à la salle El Mougar d'Alger. Précisons toutefois qu'il existe déjà quelques productions algériennes du genre. On citera par exemple le film Une main pour une sorcière, de Achour Kessai, avec l'inimitable Beyouna en redoutable «chouaffa» (voyante)… Le réalisateur explique dans un communiqué : «En Algérie, le genre de l'horreur dans le cinéma est quasi absent. Nous avons essayé de réaliser un film qui développe une histoire, explore une méthode de narration et instaure une atmosphère tout droit inspirées d'une culture et d'un folklore algérien, d'un côté, et contribue à promouvoir le cinéma de genre dans un pays soumis à la dictature du cinéma sociologique et historique». On ne peut qu'applaudir à la volonté de diversifier la production cinématographique algérienne. Pour le reste, il faudra juger sur pièce. M, c'est l'histoire d'un groupe de jeunes cinéastes amateurs qui élisent domicile dans une grotte abandonnée en vue de tourner un film d'épouvante. Evidemment, nos pauvres amateurs ne se doutent pas que cette grotte abrite une force malveillante qui se manifestera suite à la profanation d'une tombe. Le scénario de Chawki Zaïd s'apparente à un genre de «Projet Blair Witch» à Constantine. Bref, tous les ingrédients du film d'épouvante sont disponibles. Reste à goûter pour savoir si la sauce va prendre ou non. Ce long métrage de 70 minutes est produit par Constantin Production Audiovisuelle. Le casting se distingue par sa jeunesse, avec des acteurs de talents, à l'image de Mohamed Deloum, mais aussi Sami El Amrani, Hadjer Serraoui, Noussaiba Attab, Rayene Dip et Oussama Mhani. Usant des ficelles de du «jump scares» et des «screamers» (ces scènes inattendues qui vous font sauter de votre siège…), le film s'adresse à un public rodé aux codes des productions internationales que nous consommons à travers les rares projections, mais surtout via les téléchargements et la vente de DVD. «Dans un esprit jeune, et s'adressant à un public large, la narration du film repose sur l'exposition d'actions et d'événements plutôt que sur les dialogues, laissant ainsi plus de liberté d'interprétation», écrit le jeune réalisateur. Il ne reste plus qu'à aller voir le film en salle, en espérant que (quelle que soit la qualité du film) sa diffusion ne s'arrêtera pas à la date unique d'aujourd'hui.