A cette diversité de supports s'ajoute une diversité de registres, abstraits ou figuratifs. La conception du Salon invite plutôt à voir des œuvres qu'à dégager une tendance ou à expliquer le choix du médium. C'est donc à un panorama que ce premier Salon du dessin d'Alger nous invite, sur fond d'une scénographie sobre – murs peints en gris – réalisée bénévolement par le professeur de l'Ecole des beaux-arts, Abdelmalek Yahia. Rendre visibles les artistes algériens Pour ce premier Salon, le but du MAMA est de donner une visibilité â la création artistique algérienne, celle qui se fait en Algérie avec des figures bien connues, comme Zoubir Hellal, ou en dehors. L'exposition présente ainsi des artistes reconnus dans le circuit des galeries ou des musées à l'échelle internationale, Yazid Oulab ou Driss Ouadahi, ils voisinent avec ceux qui sont en passe d'être reconnus et exposent déjà à Berlin, Kassel, Washington…, ou en sont juste à leurs débuts, comme Djameleddine Benchenine. Enseignante à l'Ecole des beaux-arts, la directrice du MAMA, Nadira Laggoune, est proche des jeunes artistes et suit l'actualité. Frappée par «le talent de dessinateur de certains de nos artistes et leurs capacités à exprimer des choses fortes et sensibles par le dessin, en allant à l'essentiel», elle a voulu donner une chance à des artistes qui n'ont jamais exposé au MAMA et qui pourtant sont présents sur la scène alternative, et parfois dans quelques galeries de manière régulière. Ce qui se met ainsi en place, c'est un double système de légitimation pour les jeunes artistes, à la croisée de l'institution muséale et des galeries ou lieux d'exposition qui ont récemment ouvert à Alger. D'un lieu à l'autre, le public algérois peut se familiariser avec une création vivante. Les œuvres elles-mêmes L'abstraction est le point commun des beaux travaux, qu'il s'agisse des nuages de points de Yazid Oulab, suffisamment forts pour évoquer un au-delà, de la légèreté du dessin de Sofia Hihat, inscrivant l'éphémère, ou de l'approche intrigante de Sadek Rahim. L'objectivité du dessin de Driss Ouadahi, qui restitue l'esprit d'architectures (par exemple, Patrimoine, 2017), ou celle de Fethi Hadjkacem, qui travaille sur les métiers à tisser – outre le fait qu'elle procure le plaisir d'une rigueur exigeante – incite le visiteur à s'interroger sur les legs de l'histoire. Ce sont les transitions et les tragédies du monde contemporain qu'aborde le dessin expressif d'Atef Berredjem, ou l'installation de Sofiane Zouggar, qui mixe l'image fixe et l'image animée. D'autres dessins valent par le décor qu'ils proposent, sorte de fonds culturel réinterprété selon les codes contemporains : Akila Mouhoubi, Mustapha Goudjil et peut-être surtout Hamza Bounoua et Thilleli Rhamoun s'inscrivent dans cette veine. Il y a enfin les dessins qui reflètent un univers personnel: paysages d'Ahmed Birki, scènes de la vie quotidienne de Abdelkar Belkhorissat, personnage endormi de Hichem Belhamiti (dont le dessin sert de visuel pour l'exposition) et arabesques incarnées de Mehdi Djellil : les craies donnent à ces dernières des couleurs qui irradient l'espace. Au total, une exposition qui montre plusieurs sensibilités et visions du monde. A voir absolument.