Deux hautes personnalités se disputent, depuis plus d'une dizaine d'années, la propriété d'un terrain, sur lequel est érigée une villa de deux étages, situé au 21, chemin des Glycines, un quartier huppé qui surplombe la ville d'Alger. L'ancien secrétaire général du ministère de l'Intérieur, Lahcène Seriak, et Mahdi Mohamed Laïd, présenté par le premier comme étant le chef du protocole du général-major à la retraite, Dib Makhlouf, qui était à la tête de la Garde républicaine. Depuis plus d'une semaine, la bataille judiciaire entre les deux parties a eu pour conséquence le recours à la force publique pour faire exécuter un « arrêté de démolition » de la villa, censée être « la propriété » des Seriak, et « la récupération » du terrain par Mahdi Mohamed Laïd. Cette démolition se fait en présence de nombreux policiers réquisitionnés sur place. Muni d'une pile de documents, Lahcène Seriak atteste que les lieux lui appartiennent depuis 15 ans et que la décision d'attribution du terrain à son adversaire « a été annulée » par la conservation foncière. Mohamed Laïd conteste énergiquement en exhibant les décisions de la chambre administrative (en 2010) près la cour d'Alger et de la chambre d'accusation, relative à « l'authentification » de l'attribution. Dans la lettre adressée au président de la République, Seriak n'y va pas avec le dos de la cuillère. Il accuse « de voie de fait et d'abus d'autorité » Mahdi Mohamed Laïd de la Garde républicaine « qui se fait passer pour le colonel, chef du protocole du général-major à la retraite, Dib Makhlouf », l'ex-président de la cour d'Alger, actuellement à la Cour suprême, et l'huissier de justice désigné pour exécuter l'arrêté de démolition. Seriak revient sur les faits et explique qu'il a été attributaire du terrain en litige, en 1995, à la suite d'une décision signée par l'APC d'El Mouradia. En 1996, alors qu'il avait entamé les travaux de construction de sa villa, des policiers « sont venus l'arrêter » en vertu « d'un mandat d'amener » délivré par le procureur de Sidi M'hamed, pour avoir « violé le terrain du commandant Mahdi, protocole du général Dib de la Présidence ». La conservation foncière Une fois tous les documents – l'acte et le permis de construire – remis, ils sont repartis. « J'ai appelé le procureur, qui m'a répondu : ‘Désolé, nous nous sommes trompés'. Ce sont les ordres du procureur général. J'ai demandé audience auprès de ce dernier, je lui ai fait remarquer que l'acte du commandant Mahdi qui visait un terrain d'Alger-Centre est faux, que celui-ci ne possède ni permis ni acte de prise de possession. Le procureur général m'a montré la lettre du général-major Dib, lui demandant d'intervenir au profit de Mahdi, en levant les bras au ciel. » Seriak décide alors de saisir la Présidence, et une semaine plus tard, « le colonel Serrine est venu me voir à la maison pour m'inviter à l'accompagner chez le général Dib, à Bordj El Kiffan. Celui-ci m'a déclaré avoir été induit en erreur par l'adjudant et non le commandant Mahdi ». Une annulation de la cession du terrain est effectuée par la conservation foncière, surtout que le bien en question appartient à l'APC d'El Mouradia et non à celle d'Alger-Centre, tel que mentionné dans l'acte publié par Mahdi. En 2000, ce dernier a obtenu un arrêt de la chambre administrative qui le déclare « propriétaire des lieux, situés à Alger-Centre ». « Arrêt, obtenu grâce au cabinet Benflis et qui viole l'article 116 du code pénal, et qui fait l'impasse sur les actes administratifs annulant l'acte de Mahdi qui déclare comme authentique le ‘faux' et qui donne naissance à un dispositif aussi faux que l'acte en ordonnant l'expulsion de Seriak d'Alger-Centre, alors que ni ce dernier ni le chemin des Glycines n'existent dans cette commune. J'étais dans une manœuvre criminelle de dépossession. » Une plainte contre la présidence de la chambre d'administrative est alors déposée au ministère de la Justice par Seriak, qui ajoute que la magistrate lui a « avoué avoir agi sur ordre de l'ancien président de la cour d'Alger ». La bataille judiciaire Sur cette base, il a été entendu par l'inspection générale de la chancellerie, où il a été « informé que l'arrêt est une copie conforme de l'acte faux et sans objet de Mahdi, et vise un immeuble situé à Alger-Centre et ne peut être appliqué à un autre sis à El Mouradia ». Et quelque temps après, le président de la cour ainsi que la magistrate « ont été déférés devant le Conseil supérieur de la magistrature » qui a « relaxé » le président et « mis à la retraite d'office » la magistrate. En 2009, l'exécution du même arrêt est notifiée à la famille Seriak, qui a érigé une villa de trois étages sur les lieux. Un an plus tard, le nouveau propriétaire obtient le recours à la force publique pour faire exécuter son arrêt. Contacté, le nouveau « propriétaire » des lieux avance lui aussi des documents « prouvant le bien-fondé » de ses actions. Il exhibe la décision de la chambre administrative près la cour d'Alger, datée de 2010 et celle de la chambre d'accusation « annulant le faux ». Pour lui, l'exécution de la démolition de la villa et de la récupération du terrain est « le fruit de 15 années de bataille judiciaire. Nous avons un acte de propriété en bonne et due forme attesté par voie de justice ». Selon lui, « il y a eu un transfert de propriété de ce terrain de l'APC d'El Mouradia à celle d'Alger-Centre, à l'époque. Nos actes de propriété sont légaux sinon aucun tribunal ne donnerait le droit de recourir à la force publique pour jouir de notre bien ». Il affirme qu'après avoir gagné la bataille judiciaire, sa famille « refuse d'entrer dans d'autres considérations pour impliquer des personnalités, qui n'ont aucun lien avec l'affaire. Nous avons attendu 15 années pour avoir gain de cause. Nous n'avons jamais recouru aux menaces ou intimidations. Notre droit nous l'avons arraché en faisant confiance à la justice en dépit des pressions exercées par Seriak en sa qualité de cadre du ministère de l'Intérieur ». Ainsi, au-delà des accusations des uns et des autres, et du fond du litige, il y a dans cette affaire, un vice de forme avéré. La décision de démolition concerne un bien sis à Alger-Centre, alors que la villa de Seriak se trouve au chemin des Glycines, relevant de la circonscription d'El Mouradia...