Se sent-on algérien, arabe, berbère, musulman... ? A cela, nombre d'Algériens répondront musulman. Puis peut-être berbère ou arabe. Cela voudrait-il dire que la nation Algérie, que l'identité algérienne serait « happée » par les multiples autres références ? Dans le but d'expliquer le concept de nation, Mohamed Harbi, Réda Malek, Houari Touati, Georges Labica ont animé un colloque à la Bibliothèque nationale d'Algérie à Alger en hommage à Abdelhamid Benzine. Loin d'être anodine, la question de la nation est importante. Elle a soulevé des masses, confronté des communautés, alimenté le racisme. Elle a fait le lit d'une certaine violence. Georges Labica, universitaire à Paris, a parlé des dangers que pourrait rencontrer le Liban à la suite du retrait de la Syrie. « Quatre grandes communautés sont installées depuis des générations au Liban. Chacune s'appuyant sur les Etats-Unis prétendant à l'hégémonie. Le retrait syrien pourrait faire ressurgir une guerre civile », a soutenu l'universitaire. Le problème se pose actuellement en Irak. Le communautarisme ouvre la porte au sectarisme. Un sectarisme dans lequel « on s'identifie au mépris des autres identités. Ces autres identités étant perçues non pas comme différentes mais comme ennemies », a résumé l'intervenant. Un foisonnement de communautés s'est développé en Europe, telle que la communauté arabe ou la communauté gay. Poussé à l'extrême, il conduit à des strates sclérosées entre lesquelles aucun pont n'est construit. Ce déni de la citoyenneté étant la conséquence directe du communautarisme comporte des enjeux manipulés par les politiques ou les mouvements extrémistes. En Algérie, le concept de nation, sans être conscient dans les esprits, s'est manifesté lors de la guerre de libération. « C'est dans la révolution et le sang des martyrs que l'Etat s'est bâti », a expliqué Houari Touati, universitaire à Paris. Pour se taire définitivement depuis quelques années, l'absence de notion identitaire algérienne est le fait « d'une ignorance totale, d'un laisser- aller de l'Etat, ce qui a fait que des problèmes ont ressurgi », a déclaré Réda Malek. Et de poursuivre : « Des nationalistes, dont je ne citerai pas les noms, sont devenus des islamistes. Le nationalisme s'oppose au phénomène de religiosité grandissante. La nation comprend plusieurs identités. » Elle a l'effet de réunir et non de désunir. C'est à ce titre que Georges Labica a qualifié la citoyenneté d'antidote. Car au-delà des barrières contenues et entretenues à escient dans le communautarisme, basé sur la langue ou une origine, la notion de citoyenneté englobe toutes les originalités existantes. Lors des débats, la question de l'école algérienne a été soulevée. Si la justice et l'accès aux soins sont les seuils minima à la citoyenneté, quel est le rôle de l'école ? Ne devrait-il pas nourrir et entretenir la notion de nation algérienne ? Les cours d'éducation civique pourraient-il jouer ce rôle ? Houari Touati citera un auteur du XVIIIe siècle : « Reste ou va-t'en. Je préfère mourir entre deux palmiers nains dans ma patrie que dans la patrie des autres. »