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Nos ancêtres sont-ils des Arabes ?
Publié dans El Watan le 15 - 04 - 2009

Le dernier rapport du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale (CERD)(1) tire la sonnette d'alarme concernant la disparition de l'identité et de la culture berbère en Tunisie. La langue berbère est de plus en plus réduite à quelques espaces géographiques tunisiens.
Selon les autorités tunisiennes, « on peut dire que les Berbères de Tunisie sont particulièrement bien intégrés dans la société tunisienne et qu'ils n'ont pas de revendications. En outre, il n'y a pas de tribus nomades en Tunisie ». Selon le rapport CERD, « en s'obstinant dans cette politique d'arabisation et d'assimilation forcée des Berbères, l'Etat tunisien commet l'un des crimes les plus horribles, car il prive la Tunisie d'une composante essentielle de son histoire, de son identité et de sa culture. C'est, par ailleurs, poursuit le rapport, le patrimoine de toute l'humanité qui sera privé de cet apport millénaire, car cette culture berbère ne peut représenter qu'une richesse, aussi bien pour la Tunisie que pour l'humanité ».(2) A noter que dans la Constitution tunisienne il n'y a pas de trace de la berbérité ; l'article 1 de la Constitution tunisienne stipule que « la Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain ; sa religion est l'Islam, sa langue l'arabe et son régime la république », contrairement à l'Algérie qui reconnaît officiellement l'héritage berbère. Cependant, ce sujet est toujours une source de débats. En mars 2009, dans une correspondance adressée aux députés européens, Rachid Raha, le président du Congrès mondial amazigh (CMA) rapporte le statut quo des Amazighs au Maroc. Selon lui : « De graves dérives et régressions des droits des citoyens amazighs résultent d'une politique discriminatoire affichée d'apartheid anti-Amazighs qui contredisent tous discours officiels. »
Dans le prologue de la Constitution marocaine, nous ne trouvons aucune trace de la berbérité marocaine : « Le royaume du Maroc, Etat musulman souverain, dont la langue officielle est l'arabe, constitue une partie du Grand Maghreb arabe. Etat africain, il s'assigne en outre comme l'un de ses objectifs, la réalisation de l'unité africaine. » L'auteur de cette correspondance a énuméré ces dérives dans plusieurs secteurs : le système éducatif, l'audiovisuel, la culture et les services d'état civil qui refusent d'enregistrer les nouveaux-nés portant des prénoms berbères. Cet acte discriminatoire constitue une violation à la déclaration des droits de l'homme, dont le royaume du Maroc est signataire aux côtés de l'Union européenne, qui lui a accordé en contrepartie « un statut avancé » le 13 octobre 2008. Qu'en est-il chez nous ? Les Français ont échoué dans leur désir de nous inculquer que nos ancêtres étaient des Gaulois. Aujourd'hui, les arabophones veulent nous convaincre que nous descendons des Arabes !(3) Dans la presse, quelques articles renforcent cette idée. C'est un glissement identitaire dangereux. Leurs auteurs n'ont visiblement pas étudié les mêmes manuels d'histoire que nous. Ils réécrivent l'histoire selon leur conception. La reconnaissance de la langue amazighe est constitutionnelle en Algérie, mais elle n'est pas effective. Même s'il existe une chaîne télévisuelle amazighophone, ce n'est qu'un arbre qui cache la forêt. Face au nombre croissant de villages qui s'arabisent, surtout en Kabylie, à Tipaza et dans d'autres régions en Algérie, je tire la sonnette d'alarme sur l'usage de la langue berbère dans la vie quotidienne algérienne. A titre d'exemple, Sétif était une région globalement berbérophone (chaouïa et kabyle) avant que l'arabe ne soit couramment utilisé. Bougaâ est devenue quasiment arabophone. Les Kabyles de cette ville parlent peu le kabyle, qui n'est utilisé que par une génération de parents. Désormais, les enfants parlent l'arabe à la maison, comme signe « d'intégration ». Je peux citer d'autres villes, telles que Guenzet où le village d'Aït Yaâla est encerclé par d'autres villages complètement arabophones.
Le même phénomène est observé dans d'autres régions comme Bouira, Bordj Bou Arréridj, Tipaza, dans la région des Chaouïas et dans les villes du Sud. Les prénoms sont de plus en plus orientalisés, et parfois occidentalisés. Des Nesrine, Imane, Zineb, Imad... ont remplacé les prénoms de nos aïeuls. Mustapha Lacheraf a soulevé cette question dans son ouvrage Des Noms et des Lieux. De nos jours, certains services d'états civils refusent d'enregistrer des prénoms d'origine berbère. C'est le cas d'un Kemkem Syphax à la commune de Aïn Oussara.(4) La civilisation arabe et musulmane est omniprésente dans l'enseignement scolaire, au détriment de la civilisation berbère et ses influences dans le bassin méditerranéen et dans la civilisation arabo-musulmane. Cela constitue une lacune édifiante et sans doute volontaire qui laisse les jeunes Algériens à la merci des manipulations de certains courants idéologiques. Diabolisation des régions berbérophones. C'est le cas de la Kabylie. Quelques titres de la presse sèment la zizanie dans cette région. Ils donnent du Kabyle l'image d'un anti-musulman qu'il faut à tout prix convertir pour le remettre dans le droit chemin.(5) Sur le plan idéologique, on associe la langue arabe à la religion musulmane. Le quidam pense que la langue arabe a un statut supérieur à la langue berbère. L'histoire répandue sur la présence musulmane en Afrique du Nord, particulièrement en Algérie, est faussée et ce, pour des raisons dogmatiques. Débilisation et/ou diabolisation de certaines pratiques culturelles, sous prétexte qu'elles ne répondent pas à la doctrine religieuse musulmane ? Qui sera le garant de notre héritage culturel ? Allons-nous reprendre nos droits ou laisser les autres tuer notre culture et, par conséquent, une partie de l'histoire algérienne ? Doit-on désapprouver toutes pratiques culturelles qui ne répondent pas aux préceptes musulmans ? Aucune journée ne célèbre des héros berbères, tels que la Kahina (Déhia), Massinissa, etc. Aucun boulevard, aucune rue, aucun lieu public ne porte le nom d'un Berbère célèbre. Et pourtant, ils ont existé, ce sont les fondateurs de notre identité, de notre histoire. Il est indispensable que nous restions vigilants face aux distorsions que subissent insidieusement notre histoire et notre identité. Si nous n'y prenons pas garde, un jour nos ancêtres deviendront Arabes !
Notes de renvoi :
1 Genève, 16/2 au 6/3/09.
2·ldem, p 7.
3 Cf Echourouk EI Yaoumi du 14/3/09.
4 Cf Liberté du 9/3/09.
5 Cf Echourouk EI Yaoumi du 26/3/09.


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