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« Nous devons inscrire notre nouvelle stratégie agricole dans un contexte d'ouverture » Abdelhamid Abdelaziz. Docteur en économie de développement, diplômé de l'université de Montpellier,France.
Promouvoir le secteur de l'agriculture nous permettra, à coup sûr, une exploitation hors hydrocarbures de nos ressources naturelles. Qu'en pensez-vous ? Le développement du secteur de l'agriculture, eu égard aux richesses qu'il recèle et aux potentialités dont il dispose, n'est pas à classer au bas de la liste de nos outils de développement économique ou celle des facteurs d'épanouissement social. L'économie algérienne est avant tout agricole. Avec ses 2 700 000 ha de terres fertiles, d'un Sud immense où l'eau est abondante, l'Algérien n'a aucune raison de bouder ce secteur capable de satisfaire une demande alimentaire croissante due au boom démographique, de sédentariser la population rurale, d'offrir des postes d'emploi et de contribuer à la création d'un tissu agro-industriel. Vous évoquez dans votre livre « Quelle agriculture pour l'Algérie ? » Une époque où le pays couvrait à hauteur de 90% des besoins alimentaires et où l'Algérie exportait des quantités importantes de ses produits, prisés outre- mer. Est-il possible de revivre la même situation ? C'était en 1960. L'Algérie couvrait effectivement 90% des besoins de la population et se permettait une exportation d'une partie de sa production mais avec l'augmentation de la population et les insuffisances dans l'exploitation des terres, l'importation des produits alimentaires de base augmenta et l'exportation se réduisit. Ceci dit, le secteur agricole était, durant l'ère coloniale, dualiste et régressif et les gens qui travaillaient la terre faisaient partie d'une frange pauvre et aliénée. Il faut reconnaître à la période post-coloniale ses apports indéniables en matière d'amélioration des conditions de vie de cette couche vulnérable. Nous ne pouvons aspirer à un développement sans âme comme nous ne pouvons admettre l'assistanat dans un secteur où le succès ne peut être que le résultat d'un dur labeur. Pour répondre à votre question, je dois, d'abord, cerner quelques erreurs commises antérieurement et les déséquilibres dus parfois à un concours de circonstances et à des mutations sociales où le gestionnaire n'y est pas incriminé de manière directe mais où il aurait pu quand même y remédier par la mise en application de certaines stratégies salutaires et des ajustements nécessaires. Commençons par la concentration de la population dans le nord qui est d'un taux de 91,3%, répartie comme vous devez le savoir sur seulement 10% de la superficie global du territoire national. Le taux d'urbanisation de cette partie du pays est passé de 38% en 1962 à 65% en 2008, et elle tend encore vers la hausse. Cette partie surpeuplée et constamment menacée par les séismes ne peut pas supporter, à elle seule, une extension urbaine, réalisée parfois au détriment des terres agricoles. Toujours pour répondre à votre question, je dirai que la gestion du secteur de l'agriculture doit être orientée vers une logique de liberté du marché et de libre initiative. Les EAC, les EAI et les fermes pilotes ont montré leurs limites malgré le soutien de l'Etat. Les terres les plus fertiles et les mieux équipées leur ont été concédées sans jamais produire les effets escomptés. C'est ce qui nous a conduit à proposer la privatisation du domaine privé de l'Etat. Pour contribuer à l'essor du secteur agricole nous devons revoir ensemble et avec courage et maturité le principe de non-possession de grandes exploitations privées. Nous devons inscrire notre nouvelle stratégie agricole dans un contexte d'ouverture économique, loin des tabous faussement politisés. Certains de vos confrères défendent les mêmes principes, mais sans définir ni classifier les mesures à adopter. Vous, par contre, vous parlez de capitalisme agraire. Qu'en est-il au juste ? L'Algérie est un pays qui possède une superficie agricole utile qui dépasse les 8 400 000 ha. Un atout de taille qui n'est pas encore mis en valeur. Il est grand temps de rompre avec les anciennes méthodes de gestion et plaider en faveur de la prise en charge des agriculteurs par eux-mêmes et décharger ainsi l'Etat d'une assistance financière qui reste, souvent, sans contrepartie. Nous devons intégrer le secteur dans le contexte des réformes économiques et sociales en cours en Algérie. Pour cela, il faudrait préparer notre transition vers la création d'entreprises agricoles basées sur le principe de rentabilité, donc économiquement viables et fiables, socialement acceptables et enfin maîtrisables, si l'on doit parler personnel et équipement. Autrement dit c'est l'inévitable acheminement vers le capitalisme agraire. Un ajustement (ou réajustement) sectoriel que vous préconisez comme solution idoine pour l'agriculture en Algérie a besoin d'outils juridiques. Etes-vous d'accord avec le principe ? Parfaitement d'accord. Des mesures juridiques doivent être adoptées pour préparer la transition. Des lois sur l'orientation et l'exploitation des terres agricoles doivent exister pour pouvoir ensuite assurer des réformes. Nous devons encore clarifier la réglementation et la législation foncière et agricole par l'assainissement juridique des exploitations pour faciliter l'adaptation de leur statut à celui des entreprises économiques. Des textes doivent, également, favoriser l'accession à la propriété privée.