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Découvertes chaouies
Publié dans El Watan le 17 - 02 - 2018

Après le cinéma en automne dernier, en dédiant le festival du Cinemed à la jeune garde du cinéma algérien, voilà que l'hiver doux de l'Hérault se transporte sur les cimes de l'Aurès pour mettre en évidence le travail scientifique de deux grandes ethnologues, Thérèse Rivière et Germaine Tillion, à travers une grande exposition photo au Pavillon populaire (du 7 février au 15 avril 2018).
Construit en 1891 par l'architecte de la ville, Léopold Carlier, le Pavillon populaire est situé en plein centre de Montpellier et il est considéré en France comme l'un des temples des expositions photos. Ce bel édifice d'une surface de 650 m² est reconnaissable à son style néo-renaissance précédé d'un portique en pierre orné de sculptures.
La grande exposition intitulée «Aurès 1935, Photographies de Thérèse Rivière et Germaine Tillion», coïncide avec un des moments fondateurs de l'ethnologie, à savoir sa constitution comme discipline indépendante de la littérature et son affranchissement des récits de voyage comme le rappelle Vincent Debaene dans son excellent essai, L'adieu au voyage (2010).
Le maire, Philippe Saurel, met en avant le travail pertinent des deux ethnologues en écrivant : «La singularité des regards respectifs de Thérèse Rivière et Germaine Tillion – qui est entrée au Panthéon en 2015 –, c'est cette portée aussi bien esthétique que sociale de l'usage du médium photographique que l'exposition s'attache à montrer.» Le commissaire de cette exposition, Christian Phéline, dont la famille a vécu en Algérie sur plusieurs générations, a lui-même travaillé dans notre pays après l'indépendance.
Il est l'auteur d'une grande enquête intitulée L'aube d'une révolution. Margueritte, Algérie, 26 avril 1901, aux éditions Privat (voir El Watan du 12/07/12) qui retrace le massacre de paysans algériens dans le Zaccar. Dans la présentation, il insiste particulièrement sur «la vocation documentaire et pédagogique des photographies prises lors de la mission de 1935-1936».
C'est Paul Rivet, directeur du musée d'Ethnographie du Trocadéro, qui fut l'instigateur de cette mission ethnologique dans les Aurès qui sera financée par l'International Institute of African Languages. Comme le rappelle le commissaire : «La mission dans l'Aurès reçoit aussi pour objectif d'apporter une contribution efficace aux méthodes de colonisation en vue d'une collaboration plus féconde et plus humaine et d'une exploitation des richesses naturelles.»
Ces objectifs peuvent justifier à eux seuls les soupçons qui pèsent toujours sur l'ethnologie en tant que science coloniale. Mais le travail sur le terrain de Tillion et Rivière semble avoir échappé aux canons alors en usage à l'époque et que définit Vincent Debaene comme suit : «Science de l'homme qui ne peut se prévaloir d'une exclusivité sur son objet, l'ethnologie est pour son dommage une discipline hautement pittoresque, ce qui la condamne à lutter sans cesse contre ‘la vieille confusion entre l'étude de l'homme hors des frontières et la relation superficielle du voyageur'.
Les autres sciences luttaient contre les abus rhétoriques et le manque de sérieux de ceux qui se prétendaient connaisseurs ; l'ethnologie devrait combattre un nouvel ennemi : le sensationnel.» Le regard bienveillant apparaît à travers l'ensemble des photos exposées. Il s'agit donc d'une véritable rupture avec la recherche de l'exotisme ou du regard intrusif qui fouille l'intimité des familles aurésiennes.
Par ailleurs, l'Aurès n'est pas une terre inconnue ou une contrée vierge. L'intérêt pour cette région a commencé au XIXe siècle avec des voyageurs militaires comme le lieutenant Frédérik de l'Harpe qui a publié son récit de voyage, «Dans le Djebel Amour», dans la revue Le Tour du Monde en 1902. Le cinéma s'est aussi intéressé à l'Aurès dès 1902, à travers Alexandre Promio, opérateur des frères Lumière qui fait des prises de vues pour le Photorama puis, en 1921, quand les gorges du Rhoufi servirent de décor à L'Atlantide de Jacques Feyder.
Sans oublier aussi pour la célébration du centenaire de la colonisation le fascicule et un étui officiel de cartes postales dédiées aux Aurès réalisé par Georges Rozet. Mais le travail iconographique ou photographique qui va documenter les recherches des deux ethnologues va s'élargir pour quitter l'esprit sépia des cartes postales coloniales. Le regard, nourri d'humanisme et de rigueur scientifique, va épouser les contours de la vie quotidienne des villageois de Tajmout, non loin d'Arris.
Ainsi avec Thérèse Rivière et Germaine Tillion l'objectif quitte la Guelâa (c'est-à-dire le grenier) même si elle est présente sur quelques clichés pour embrasser les grandes activités collectives masculines comme le marché, les réunions de la djemâa ou la célébration du retour des pèlerins. On retrouve aussi sur les photos les auxiliaires des autorités coloniales à l'école, l'hôpital et dans les transports.
Cette production de plus de huit mille photos pour cette mission a été facilitée aussi par les innovations techniques qu'a connues le matériel photo dans les années trente. Ainsi les ethnographes ont abandonné les très lourdes chambres à plaques de verre pour les boîtiers miniatures à pellicule souple. Thérèse Rivière utilise un Leica, appareil portatif sublimé par le grand photographe Henri Cartier Bresson et qui offre une grande liberté en convenant au portrait comme au paysage. Il valorise par la même occasion la subjectivité du photographe par la prise de vue instantanée.
De son côté, Germaine Tillion donne sa préférence à un Rolleiflex avec une tenue à hauteur de poitrine. Cet appareil délicat induit un regard privilégiant les axes et les diagonales. L'utilisateur peut se donner le temps de composer sa photographie en jouant sur la lenteur. Ces photos, dont la valeur documentaire n'est plus à démontrer, ont été retrouvées en 2000. Il faut rappeler que Thérèse Rivière a connu de graves problèmes de santé qui ont duré une vingtaine d'années avec des réclusions psychiatriques.
Ces épisodes d'une vie pénible ont relégué aux oubliettes les milliers de photos qu'elle avait prises lors de son séjour aurésien. Il a fallu attendre le travail admirable de Fanny Colonna pour que les photos de Thérèse Rivière soient connues. Concernant Germaine Tillion, elle aussi a connu des démêlés politiques avec les autorités de Vichy pour son soutien à la résistance française en 1942.
Ce qui avait conduit à son internement au camp de Ravensbrück. La police allemande venant l'arrêter avait saisi certaines de ses archives. Et c'est l'historienne Nancy Wood qui a exhumé des milliers de clichés ignorés par la Gestapo. Tout ça pour dire que ces photos ont failli se perdre dans le tumulte de la guerre et de la maladie.
Pour revenir à l'exposition, le visiteur averti doit s'y prendre à plusieurs fois pour bien apprécier cet événement exceptionnel qui comporte huit parcours. D'abord un espace consacré à la mission dans les Aurès avec identification du lieu et sa situation géographique. Puis la visite continue avec la découverte du matériel photographique qui a servi lors de la mission. Viennent ensuite les résultats de la mission et la découverte de documents écrits très intéressants sur les Aurès.
Dans la grande salle centrale, le visiteur peut voir presque l'ensemble des photos de la mission retenu par les responsables de l'exposition avec des portraits exceptionnels. Dans un autre espace, on découvre les photos d'un jeune soldat du contingent prises sur les mêmes lieux en 1955.
Le Pavillon populaire propose aussi des images vidéos des deux ethnologues parlant de leur métier et de cette expérience aurésienne exaltante. Enfin, l'exposition se termine par les dessins d'enfants et d'adultes algériens recueillis par Rivière et qui dévoilent une sensibilité esthétique très particulière des habitants de la région. Enfin, comme souhaité par Christian Phéline et tous les Algériens présents au vernissage, cette exposition qui retrace un pan entier de l'histoire gagnerait à être vue en Algérie.


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