Le président du Haut Conseil islamique a dénoncé, hier, ce qu'il a qualifié d'«anarchie religieuse», en évoquant des imams et des personnes qui prodiguent des fatwas sur les chaînes de télévision privées et les colonnes de la presse écrite. Il a évoqué une réunion avec le ministre des Affaires religieuses et l'Autorité de régulation de l'audiovisuel, pour faire en sorte que les fatwas soient l'œuvre des professionnels, et non de profanes… Visiblement, le phénomène des «fatwas» sur les médias, notamment les chaînes de télévision privées, fait tache d'huile. Lors de son passage au forum d'El Moudjahid, le président du Hci (Haut Conseil islamique), Bouabdallah Ghlamallah, s'est déclaré «conscient de cette anarchie religieuse qui règne». Raison pour laquelle, dit-il, «en tant que président du Conseil, j'ai appelé à une réunion avec le ministère des Affaires religieuses et l'Autorité de régulation de l'audiovisuel, pour mettre un terme à ce qui est qualifié d'''anarchie religieuse''». Et d'expliquer : «Nous ne pouvons pas continuer à voir des imams ou des gens qui se proclament ainsi prononcer des fatwas sur les plateaux de télévision ou sur les colonnes des journaux, sans aucune référence ou base religieuse. L'institution de la mosquée, qui est sous le contrôle du ministère des Affaires religieuses, est régie par la loi des wakfs promulguée en 1991. Elle est dotée d'un conseil scientifique auquel sont confiés les avis religieux demandés par le public. Notre souhait est qu'il soit le seul à être habilité à faire des fatwas. Nous avons, au sein du Hci, des érudits qui peuvent assumer cette mission et le font lorsqu'ils sont sollicités, mais nous préférons que cette tâche soit celle des conseils scientifiques au niveau des wilayas. Une fatwa renvoie à des connaissances religieuses parfaites, mais aussi au contexte dans lequel elle va être appliquée. Elle renvoie aussi à la jurisprudence et à la sociologie, etc. L'imam ne peut pas faire de fatwa et s'il le fait, c'est à celui qui l'a nommé en tant que tel, c'est-à-dire le ministère des Affaires religieuses, d'en assumer les conséquences. Lorsque nous avons dit cela, le syndicat des imams l'a mal pris. Il doit comprendre que notre préoccupation est de faire en sorte que les fatwas soient faites sur une bonne base juridique et religieuse, parce que les conséquences d'une erreur peuvent être très graves. Si nous plaidons pour que les conseils scientifiques des wilayas soient les plus indiqués pour cette tâche, c'est parce qu'ils sont composés de plusieurs connaisseurs et que leur décision est collégiale.» Selon le président du Hci, les fatwas prononcées sur les chaînes de télévision et les colonnes de la presse écrite «donnent une mauvaise image de la religion et font voler en éclats l'intimité familiale. Vu la gravité de la situation, et pour prendre en charge ce problème, nous avons proposé une réunion avec le ministre des Affaires religieuses et l'Autorité de régulation. Il est question de faire en sorte que les fatwas soient l'œuvre des professionnels et non pas d'apprentis». Pour ce qui est de ceux qui sollicitent des étrangers pour des avis religieux, Ghlamallah estime qu'il n'y a jamais eu d'étude pour savoir si les Algériens sont plus nombreux à aller sur les réseaux sociaux chercher des fatwas, mais précise que les avis religieux sont étroitement liés au contexte dans lequel ils doivent être appliqués, sous-entendant par là que les muftis algériens sont les plus indiqués pour répondre aux questions des Algériens, étant donné qu'ils ont la connaissance de l'environnement et de la société. «Même en Algérie, ce qui s'applique au sud du pays peut ne pas l'être pour celui qui vit dans une ville côtière. Le contexte des deux régions diffère totalement…», dit-il. Le président du Hci n'a pas manqué de revenir sur le phénomène des harraga, en niant l'avoir un jour déclaré «haram» (illicite). «Je ne peux pas faire une telle déclaration. J'ai par contre critiqué le comportement de ceux qui organisent l'immigration clandestine, ce mal qu'il faut étudier sous tous ses aspects, sociologiques, économiques, culturels, etc.» Pour ce qui est du salafisme, il précise que «le mal que ce dernier fait subir à la société c'est qu'il s'attaque à l'islam au nom de l'islam», et conclut à propos de ces attaques qu'il existe des lois pour protéger la religion, que l'Etat est en droit d'appliquer.