Si l'autre pilier de l'art dramatique à Mostaganem, El Moudja en l'occurrence, s'active et brille toujours sur la sphère artistique locale et nationale, El Ichara, la doyenne des associations théâtrales du Dahra, n'est plus désormais qu'un souvenir d'un passé glorieux, tant et si bien que nombre des habitants de la ville croient que cette troupe n'existe plus depuis quelques années. A cet effet, nous nous sommes rendus à l'église du centre-ville, où la troupe réside, au troisième étage au-dessus d'une bibliothèque municipale, elle aussi déserte et abandonnée, malgré des livres très rares et précieux. Notre visite à El Ichara coïncide avec les répétitions de la pièce 132 ans d'Ould Abderrahmane Kaki. Sur scène, sous l'œil aiguisé de Benmohamed Abdelkader, une vingtaine de jeunes comédiens, dont la moyenne d'âge ne dépasse pas les 15 ans, s'activent. L'espace semble respirer l'art et ne donne point l'impression qu'une panne de création a pu altérer le savoir-faire de cette troupe mythique. Derrière la vitre de son bureau, Abdellah Mabrek, tout récemment élu à la tête d'El Ichara en succédant à son fondateur Djamel Bensaber, veille au bon déroulement de la séance. Pour le président de cette troupe théâtrale, il n'est absolument pas anodin qu'El Ichara soit aujourd'hui dans l'ombre, tant les entraves administratives auxquelles l'association fait face sont nombreuses. «Nous n'avons pas reçu de subvention de l'APC de Mostaganem depuis 3 ans. Aussi, nos propositions de création et d'organisation d'événements culturels, les journées du monologue, entre autres, auprès de la direction de la culture, sont, pour la majorité, sans réponse», nous dit Mabrek. Faute de moyens, El Ichara a vu beaucoup de ses comédiens phares partir vers d'autres associations et théâtres régionaux. Mais cela ne dérange pas le président, qui trouve cela totalement légitime. «On ne peut être contre le fait que nos comédiens aillent trouver mieux ailleurs. Après tout, ce n'est pas raisonnable de consacrer son temps à une activité sans rémunération», explique-t-il. Dans ce sens, le président d'El Ichara déplore le fait qu'aucun des comédiens de sa troupe ne soit aujourd'hui embauché au Théâtre régional de Mostaganem, inauguré en mars 2016. «En tant que directeur artistique, j'ai appuyé les candidatures de plusieurs de nos comédiens, mais sans succès», affirme Abdellah Mabrek en nous confiant que ce laxisme contre El Ichara est le fruit des positions de cette dernière qui font qu'elle soit jugée désormais, par la tutelle, comme l'opposition. L'association théâtrale, au palmarès riche et en possession d'un nombre considérable d'accessoires et de costumes est passée à côté de toute la manifestation «Mostaganem, capitale du théâtre», une réaction incompréhensible pour les hommes du quatrième art en Algérie. «Nous n'avons bénéficié en rien de l'année de Mostaganem, capitale du théâtre. Nos costumes et accessoires pourraient animer les rues de la ville par des carnavals et autres spectacles, mais rien de cela ne s'est produit. Aussi, le FNTA a célébré ses 50 ans l'été dernier et on devait abriter le symposium qui a eu lieu à la dernière minute, et sans nous expliquer pourquoi, à la bibliothèque centrale. Deux spectacles en off étaient programmés à El Ichara et ont été donnés à Salamandre. Que s'est-il réellement passé pour que l'on devienne persona non grata ?», s'interroge Abdellah Mabrek. Au lendemain du bilan financier de l'année 2017, le constat était alarmant. Seulement 60 000 dinars glanés par El Ichara. Force est de constater aussi le manque d'investissements de l'association dans le numérique. En effet, El Ichara n'est pas efficacement présente sur les réseaux sociaux. En attendant l'installation du nouveau directeur de la culture qui devrait prendre ses fonctions au cours de cette semaine et se pencher sur le cas délicat de ce grand patrimoine culturel de Mostaganem, El Ichara fait de la formation des enfants son credo en continuant de meubler tant bien que mal l'espace culturel mostaganémois.