Madrid (Espagne) De notre Correspondant Le juge Pablo Llarena, en charge de l'enquête sur la tentative de sécession de la Catalogne, a inculpé, vendredi, 13 dirigeants indépendantistes pour «rébellion», une infraction passible de 30 ans de prison, et placé en détention provisoire vendredi cinq d'entre eux, dont le candidat à la présidence de la région Jordi Turull, a annoncé la Cour suprême espagnole. Quatre dirigeants catalans se trouvent déjà en prison préventive depuis plusieurs mois dont, notamment, Oriol junqueras, l'ex-vice-président du gouvernement catalan et leader de la gauche républicaine indépendantiste (ERC), l'ancien ministre de l'Intérieur, Joaquim Forn, Jordi Sanchez, ancien dirigeant de la puissante association indépendantiste Assemblée nationale catalane (ANC), et Jordi Cuixart, président d'Òmnium cultural. Le juge a également écroué l'ancienne présidente du Parlement catalan, Carme Forcadell, et trois anciens «ministres» régionaux. Ils rejoindront quatre autres dirigeants emprisonnés depuis des mois. Le juge a estimé que le «risque de fuite est élevé au regard de la peine encourue», a précisé une porte-parole de la cour. Un des dirigeants convoqués, Marta Rovira, a d'ailleurs préféré quitter le pays plutôt que de risquer l'incarcération. Le juge avait auparavant confirmé l'inculpation de tout le noyau dur indépendantiste, pour «rébellion». Vote et confusion La tentative d'investir, jeudi soir, l'indépendantiste Jordi Turull, ancien porte-parole du gouvernement de Carles Puigdemont, à la présidence de la Catalogne a échoué. Le candidat n'a pas réussi jeudi soir à se faire élire au premier tour par le Parlement régional, à la veille de sa comparution devant la justice. En liberté provisoire, Jordi Turull n'a recueilli que 64 voix, tandis que 65 députés ont voté contre. Les députés de la CUP (Candidature d'unité populaire), qui compte quatre élus (séparatistes les plus radicaux), ont préféré s´abstenir. Idéologiquement très éloignés de Jordi Turull, issu d'un parti nationaliste et conservateur, à l'image écornée par des affaires de corruption, ils lui reprochent notamment de ne pas prôner la rupture unilatérale avec l'Espagne. Le second tour était prévu pour hier. Il lui suffirait de la majorité simple pour être élu, mais il ne pourra donc plus assister à un débat sur son investiture. Jordi Turull est le troisième candidat proposé par le président du Parlement régional, Roger Torrent, les deux précédents, Carles Puigdemont, en exil volontaire à Bruxelles, et Jordi Sanchez, incarcéré, ayant jeté l'éponge en raison des obstacles judiciaires à leur investiture. Mais voilà, le président du Parlement catalan a suspendu le débat pour investir un président régional. «Il est évident que dans ces conditions la session ne peut pas avoir lieu», a-t-il dit. Les Catalans risquent de devoir retourner voter. Mercredi, Roger Torrent a accusé le juge d'«ingérence» politique et décidé d'organiser cette investiture en urgence pour défendre «ses droits politiques» et couper l'herbe sous le pied du magistrat. Avalanche de mandats d'arrêt Le juge Pablo Llarena a décidé de réactiver les mandats d'arrêt contre l'ancien président de la région, Carles Puigdemont, et quatre de ses anciens ministres inculpés pour rébellion, qui s'étaient exilés en Belgique. Le même juge d'instruction avait retiré, le 5 décembre 2017, les cinq premiers mandats d'arrêt, craignant que la justice belge chargée de les exécuter ne retienne pas les mêmes motifs d'inculpation que lui, ce qui affaiblirait son dossier. Deux des mandats d'arrêt visent par ailleurs des inculpés pour désobéissance et malversation. Il a également lancé un mandat d'arrêt européen et international contre Marta Rovira, qui a refusé de se présenter devant lui vendredi et a annoncé qu'elle quittait l'Espagne. Elle serait en Suisse, selon des médias espagnols. Vers de nouvelles tensions ? Ces incarcérations pourraient entraîner de nouvelles tensions en Catalogne où des comités de défense de la «République» et la puissante ANC avaient appelé les militants indépendantistes à manifester vendredi soir en guise de protestation pour dénoncer les incarcérations de dirigeants indépendantistes inculpés pour leur rôle dans la tentative de sécession de la Catalogne en octobre dernier. Des images de télévision ont montré des manifestants brûlant des photos du roi Felipe VI, ce qui est un délit en Espagne. Vingt-deux personnes ont été blessées légèrement à Barcelone dans des heurts entre policiers et indépendantistes catalans qui manifestaient contre la justice espagnole, a annoncé le service d'urgence de la ville dans un communiqué. «Le service d'urgence médicale a soigné 22 blessés légers vendredi soir dans la zone de la préfecture», a précise le communiqué en question. Les forces antiémeute de la police catalane ont repoussé à coups de matraque des manifestants qui s'étaient approchés d'eux près de la préfecture. Les indépendantistes doivent désormais trouver un nouveau candidat à la présidence de la Catalogne, sous tutelle de Madrid depuis la déclaration d'indépendance mort-née du 27 octobre. S'ils n'y arrivent pas avant le 22 mai, de nouvelles élections seront automatiquement convoquées.