Une visite du président Bouteflika en France est-elle imaginable dans un proche avenir ? La question a été posée à l'ambassadeur d'Algérie en France par le magazine Arabies. Paris. De notre bureau « L'importance de l'événement, sa portée politique et sa signification diplomatique impliquent un climat nouveau, un climat favorable qui permette de réunir les conditions de succès d'une telle visite », a indiqué le diplomate algérien, précisant qu'« il n'y a pas eu de "reports successifs" puisqu'il n'y jamais eu de date arrêtée ». Celle-ci devant être fixée d'un commun accord, après l'acceptation par le président Bouteflika de l'invitation que lui avait faite le président Sarkozy. Dans cette interview accordée au journaliste Christian Mallard, Missoum Sbih est revenu sur les relations bilatérales, leur densité, notamment dans leur volet humain, sur les « crispations » – terme que le diplomate algérien considère plus approprié que celui de « crise ». II est évident qu'une relance des relations est possible, et même vivement souhaitable, compte tenu des interdépendances à tous les niveaux entre les deux pays : humain, économique, scientifique, universitaire et culturel. Dans cette perspective, la mission à Alger conduite par Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, a permis de renouer le dialogue et de donner au Premier ministre algérien l'occasion de faire un état des lieux sans complaisance des relations bilatérales, comme cette mission a permis à la délégation française de mieux identifier les questions pendantes et les attentes algériennes. Dans ce contexte, II faudrait d'abord lever les hypothèques qui pèsent sur le climat actuel au sujet desquelles la partie algérienne attend, sous forme de « propositions opérationnelles », des dispositions concrètes de la part de la partie française. Dans cet état d'esprit, l'intervention de telles mesures permettrait également de donner une impulsion aux négociations en cours entre les deux pays. Concernant l'inscription de l'Algérie sur la liste des pays dits « à risques », une des sources de « crispation » entre Alger et Paris, M. Sbih a relevé que la France, qui « entretient avec notre pays depuis des années une coopération exemplaire en matière de lutte contre le terrorisme, est la mieux placée pour savoir que l'Algérie ne constitue nullement un pays à risque. Rien ne justifie la présence de l'Algérie sur cette liste qui singularise notre pays dans la région méditerranéenne et, même, le stigmatise à certains égards. C'est une mesure inacceptable. Aussi ai-je bon espoir que la partie française prenne enfin la mesure, à la fois de l'émotion qu'une telle disposition peut avoir sur l'opinion publique algérienne et la détermination des pouvoirs publics d'obtenir le retrait de l'Algérie de cette liste ». Quant au devoir de mémoire, autre sujet de « crispation », c'est « une question très importante, d'une extrême sensibilité pour les Algériens, toutes générations confondues. Nous pensons, pour notre part, que le passé doit être assumé complètement et puisse ainsi consacrer une réconciliation définitive entre les deux peuples, meilleur gage pour le développement de rapports harmonieux de coopération entre l'Algérie et la France, fondés notamment sur la confiance et le respect mutuel ». Et de faire remarquer que « dans la politique mémorielle de la France, il y a des précédents : les déclarations du chef de l'Etat français relatives à la Shoah, au Vel' d'Hiv, à l'esclavage et le discours prononcé à Madagascar. Sur le plan international, d'autres pays ont assumé d'une manière non équivoque leur passé : le Canada, l'Australie, la Belgique, la Grande-Bretagne et l'Italie. Tous ces pays sont de grandes démocraties occidentales ; et si le gouvernement français allait dans le même sens, il se trouverait assurément en bonne compagnie... ». Quant à la dimension humaine, elle « détermine symboliquement le caractère spécifique » de la relation algéro-française. « Dès lors, la dimension humaine ne peut, du point de vue de l'approche algérienne, s'inscrire dans la problématique de la gestion des flux migratoires ou de l'immigration choisie. L'approche que nous avons de cette importante et délicate question relève d'une conception élevée de nos rapports avec la France, fondée notamment sur l'importance historique de la communauté algérienne en France, de la densité de nos relations humaines et de l'intensité de nos relations multidimensionnelles ».