Refusant de parler de crise dans les relations algéro-françaises, l'ambassadeur d'Algérie à Paris appelle à l'apaisement, tout en conseillant à la France d'emboîter le pas aux pays qui ont assumé leur passé sur la question du colonialisme, à l'image de la Grande-Bretagne, l'Italie, la Belgique et le Canada. Revenant sur les rapports entre Alger et Paris, marqués ces derniers temps par une certaine froideur, Missoum Sbih, l'ambassadeur d'Algérie en France, s'est livré au magazine Arabies à une analyse de la situation, dans laquelle, il a affirmé qu'“en diplomatie, on peut rarement parler de beau fixe, le beau temps alterne très souvent avec les nuages qui obscurcissent, passagèrement, le paysage”. Dans cet ordre d'idées, le diplomate algérien refusera de parler de crise entre les deux pays en apportant des explications sur les sujets, qui sont la cause de “crispations” dans les relations entre les deux pays. Il dira qu'ils portent sur la question de la mémoire, sur la procédure judiciaire à l'encontre du diplomate algérien Mohamed Ziane Hasseni à l'issue de laquelle on attend un non-lieu définitif, l'exhumation récurrente de l'affaire dite des “moines de Tibhirine” qui est abusivement instrumentalisée, ainsi que l'inscription de l'Algérie sur la liste des pays dits “à risques”. Sur ce point précis, Missoum Sbih s'étonnera que “la France, qui entretient avec notre pays depuis des années une coopération exemplaire en matière de lutte contre le terrorisme, est la mieux placée pour savoir que l'Algérie ne constitue nullement un pays à risques. Rien ne justifie la présence de l'Algérie sur cette liste qui singularise notre pays dans la région méditerranéenne et, même, le stigmatise à certains égards. C'est une mesure inacceptable. Aussi, ai-je bon espoir que la partie française prenne enfin, la mesure, à la fois, de l'émotion qu'une telle disposition peut avoir sur l'opinion publique algérienne et la détermination des pouvoirs publics d'obtenir le retrait de l'Algérie de cette liste”. Rappelant que les rapports entre Alger et Paris ont connu “une courbe ascendante avec le succès de la visite d'Etat en Algérie, en décembre 2007 de M. Nicolas Sarkozy, président de la République française suivie, quelque temps après, en juin 2008, de celle du Premier ministre M. François Fillon”, il formulera le vœu “qu'une relance des relations est possible et même vivement souhaitable, compte tenu des interdépendances à tous les niveaux entre les deux pays : humain, économique, scientifique, universitaire et culturel”. Quant à la visite d'Etat en France du président Abdelaziz Bouteflika, laquelle a été reportée deux fois en 2009, il expliquera qu'“il n'y a pas eu de reports successifs” puisqu'il n'y a jamais eu de date arrêtée. “Certes, le président Nicolas Sarkozy a invité le président Abdelaziz Bouteflika à effectuer une visite d'Etat en France et le président de la République a accepté cette invitation, la date de la visite devant être arrêtée, ultérieurement, d'un commun accord.” Interrogé sur la question du colonialisme, sur laquelle la France et l'Algérie sont aux antipodes l'une de l'autre, l'ambassadeur algérien prendra le soin de souligner que “le devoir de mémoire est une question très importante, d'une extrême sensibilité pour les algériens, toutes générations confondues. Nous pensons, pour notre part, que le passé doit être assumé complètement et puisse ainsi consacrer une réconciliation définitive entre les deux peuples, meilleur gage pour le développement de rapports harmonieux de coopération entre l'Algérie et la France, fondés notamment sur la confiance et le respect mutuel. J'ajoute que, dans la politique mémorielle de la France, il y a des précédents : les déclarations du chef de l'Etat français relatives à la shoah, au Vel' d'Hiv, à l'esclavage et le discours prononcé à Madagascar”. Pour encourager Paris à revoir sa copie, il indiquera que sur le “plan international, d'autres pays ont assumé d'une manière non équivoque leur passé : le Canada, l'Australie, la Belgique, la Grande-Bretagne et l'Italie. Tous ces pays sont de grandes démocraties occidentales ; et si le gouvernement français allait dans le même sens, il se trouverait assurément en bonne compagnie...”.