Le mégaprojet d'acheminement de l'eau de la nappe deIn Salah vers Tamanrasset de 1,2 milliard de dollars sera achevé vers la fin du mois de novembre et au plus tard à la fin de l'année en cours. Tamanrasset. De notre envoyée spéciale Rendez-vous donc est donné pour voir l'eau couler des robinets et étancher la soif des habitants de Tamanrasset comme annoncé par le ministre des Ressources en eau, Abdelmalek Sellal, à partir de la capitale du Hoggar lors d'une visite d'inspection dimanche dernier. Une visite qui lèvera le voile sur certains dysfonctionnements causés par la sacro-sainte lourdeur bureaucratique mais aussi par des « tracasseries » dont sont l'objet des entreprises chinoises. Après s'être arrêté au niveau des différents chantiers sur l'état d'avancement des travaux, qui en moyenne ont atteint 70%, le ministre a réuni les cadres de son secteur et les entreprises réalisatrices pour mettre le doigt sur ce qui ne va pas. Si le génie civil et les gros-œuvres (stations de pompage, réservoirs etc) ont atteint des taux d'avancement très appréciable, il reste le raccordement des conduites. Le directeur du projet, Lyess Hidouci, souligne que d'ici la fin juin, le délai de réalisation du génie civil sera atteint, en notant le grand progrès enregistré dans la réalisation des six stations de pompage. Evoquant un problème au niveau de l'équipement, le même responsable souligne un « entêtement » chinois à toujours vouloir discuter les termes du cahier des charges et à refuser les décisions émanant du bureau d'étude. « Cela nous fait perdre du temps », dit-il à M. Sellal. Tracasseries sur des détails Le représentant de la société chinoise CPECC précise quant à lui que « les travaux avancent plutôt bien » mais indique qu'au niveau du cahier des charges certains articles « ne sont pas conformes à la réalité et ne peuvent être réalisés ». Il cite comme exemple l'exigence de produire une climatisation au niveau des stations de l'ordre de 65%. « Aucune entreprise au monde ne peut le faire. Nous en discutons depuis six mois et c'est toujours pas réglé, ceci fait retarder les travaux », indique encore le représentant de la société chinoise. Ce à quoi le ministre répondra : « Le bureau d'étude a opté pour des normes actuellement usitées. Nous avons exigé du matériel de pointe, on ne veut donc pas de problèmes technique. Tout ce qui est made in Taïwan on n'en veut pas, même pas la plus petite pièce », assène-t-il à l'adresse de l'entreprise chinoise comme pour la rappeler à l'ordre. Et à M. Sellal d'ajouter « rétrograder la qualité on n'en veut pas. Je ne veux pas qu'il y ait du chantage, il faut respecter le cahier des charges. Des équipements nous ont été proposés en Chine et nous les avons refusés. La norme de la climatisation à 65% existe bel et bien et elle doit être respectée. Je préfère perdre un ou deux mois mais je ne veux aucune défaillance sur le plan de la qualité du travail et des matériaux ». Il note par ailleurs que ce « n'est pas au niveau des détails qu'on chipote. Vous avez signé le cahier des charges alors respectez-le ». « Les entreprises chinoises qui font un travail remarquable au niveau de ce projet, sont l'objet d'un contrôle permanent car elles cherchent souvent des prétextes soit pour l'achat de matériel de Chine alors que le cahier des charges préconise des produits européens, ou pour ajouter des frais qui n'existent pas afin d'élever les coûts », indique M. Hidouci. Le ministre a décidé de la tenue, à la fin de la semaine en cours, d'une réunion entre la direction du projet et l'entreprise chinoise ainsi que le bureau d'étude afin d'arriver à mettre un terme au blocage des travaux. « Il n'est pas question de fausser la qualité, il faut maintenir le rythme actuel et terminer les travaux en novembre », dira Abdelmalek Sellal. Une autre entreprise chinoise parmi les plus performantes, la CGC en l'occurrence, exige quant à elle une lettre de confirmation de la part de l'ADE afin d'entamer les travaux d'achèvement des conduites et des réservoirs. Une autre entreprise chinoise, Socom, a obtenu pour sa part il y a 4 mois le marché de raccordement des forages. Cette société n'a pas entamé les travaux car elle insiste pour rediscuter les termes d'un cahier des charges qu'elle a pourtant signé. « Il faut discuter de ce qu'il faut faire et comment faire », indique le représentant de Socom. Et au ministre de dire « il n'y a rien à discuter, il faut commencer les travaux ». La mesure du crédoc décriée Et au représentant chinois de dire « il nous faut plus de matériels pour la réalisation partielle des châteaux d'eau ». Et à M. Hidouci de répondre « nous avons assez attendu, s'ils veulent nous aider qu'ils ramènent au moins une partie des châteaux d'eau, on ne peut pas attendre qu'ils ramènent tout le matériel de Chine ». Et au même responsable d'ajouter au sujet du lancement des champs captant « Cosider est plus performant en matière d'explosifs, les sous traitants privés que les Chinois ramènent ne sont pas performants. Il y a toujours de gros problèmes d'équipements et les Chinois marchandent tout ». Et au représentant de Socom, qui dirige une cinquantaine d'ouvriers chinois et 60 algériens, d'exiger de ramener pas moins de 300 autres ouvriers de Chine. « Si vous avez besoin de cadres, d'ingénieurs spécialisés, vous les aurez, mais pas question de ramener d'autres ouvriers », lui lance le ministre. Un représentant belge du bureau d'étude, qui suit les travaux en chantier, estime que l'objectif de « la mise en eau en novembre ne peut être atteint sans renforcer les moyens humains et technique, l'explosif est un facteur de retard important. » « Il y a encore du pain sur la planche », dit-il. Autre facteur de retard, la bureaucratie. La Commission nationale des marchés (CNM) au niveau du ministère des Finances est pointée du doigt quant aux lourdeurs bureaucratiques dont elle fait preuve pour donner son aval à des dossiers. La loi relative au crédoc est aussi mise à l'index. Cosider, qui a réalisé 83% des travaux qui lui ont été assignés, attend de recevoir un nouvel équipement de son fournisseur turc. « Compte tenu de la nouvelle loi, il est impératif de couvrir la commande par un avenant, une lettre d'engagement ne suffit pas », souligne M. Zerouali de Cosider. Et au ministre de promettre : « On vous donnera une lettre et s'il faut on fera intervenir le Premier ministre. » Et de conclure en s'adressant aux entreprises réalisatrices, notamment chinoises : « J'attends de vous le dernier coup. Il ne faut pas chipoter car il y a encore du travail ». Notons que les besoins en eau potable à Tamanrasset sont de l'ordre de 20 000 m3/jour alors qu'elle ne reçoit que 3000 tous les cinq jours. Le projet d'acheminement d'eau prévoit d'approvisionner la ville à hauteur de 100 000 m3 en 2050. Une étude sera lancée pour la réalisation des réseaux de distribution de l'eau.