Au niveau du réseau des associations, nous considérons le patrimoine national comme orphelin au vu des dégradations qu'il a subies et qu'il continue de subir, mais il a aussi de beaux restes. Il n'a donc ni père ni mère. Nous sommes volontiers ses avocats et nous agissons en tant que tels pour le défendre et le sauvegarder, car, finalement, il ne s'agit pas d'avoir seulement un passé, mais aussi et surtout une histoire. » Ainsi dira en substance Métair Kouider, président de l'association Bel Horizon de Santa Cruz (Oran) et un des animateurs du réseau, en ouverture de la rencontre organisée à Tébessa jeudi dernier au musée du Moudjahid par l'association Minerve pour la protection des ruines et la sauvegarde de l'environnement et ayant regroupé vingt-cinq associations venues de quatorze wilayas. « La démocratie est mesurée à l'aune du bon fonctionnement du triptyque pouvoir public-marché-société civile. Cette dernière étant constituée essentiellement du mouvement associatif, le réseau en question, une fois mis en place, peut accroître ses capacités d'intervention sur la protection du patrimoine national, aidé en cela, financièrement, par les programmes de l'Union européenne », dira Izarouken Mohamed Arab, directeur de l'Union de gestion des programmes (UGP-ONG). Pour Métair Kouider, si le réseau n'agit pas en tant que partie prenante dans la question de la restauration ou autres projets dans ce sens, il peut à tout le moins procéder à un accompagnement critique. L'intervention de Nourredine Saoudi, géologue et préhistorien, portera sur plusieurs aspects du patrimoine national. Il dira que l'Algérie a été très anciennement peuplée, qu'elle a activement participé à la pensée et à la civilisation universelles et que « notre beau pays fourmille de richesses ». Des traces remontant à des millions d'années sont éloquentes quant à l'existence de l'homme dans cette partie du monde qu'est le Maghreb : l'homme de Aïn Lahnèche (Sétif), l'homme de Mansourah, l'homme de Tighenif, l'homme atérien, de la région de Bir El Ater (Tébessa)... Cet homme qui a vécu à travers toute l'étendue du Maghreb et qui est même descendu jusqu'au fin fond du désert, au Niger. L'homme capsien, grand consommateur d'escargots, etc. Il relèvera le rapport ambigu qu'a la population algérienne avec l'objet archéologique. C'est là que se situe a priori le problème. Cet objet n'est pas une chose inerte, mais il a toute une dimension, toute une histoire. De fait, les vestiges subissent de graves dégradations, et ce, sous les yeux des populations. Il y a une rupture entre la société et le monument. La société qui pourtant vit près ou autour de ce monument. Le musée, pour certains, devient un cimetière pour des choses mortes, inertes. « Pourtant, n'importe quelle pierre, même si elle n'est pas façonnée par l'homme, a une vie, une histoire », insistera-t-il. Côté juridique, il parlera de l'ordonnance de 1967, qui était le seul texte régissant le patrimoine national. Les textes de loi ne doivent pas rester figés par rapport à l'évolution de la société. Aussi le texte de loi de 98/04 vient à point nommé, dira-t-il, et va essayer de résoudre un certain nombre de problèmes, apportant des correctifs, mentionnant la culture immatérielle, notre manière d'être, nos chants, etc. « Notre patrimoine national est un et indivisible, indépendamment du temps et de l'espace », conclut-il. Après ces interventions, un film documentaire sur les vestiges dont s'enorgueillit la wilaya de Tébessa, réalisé par l'association Minerve, a été projeté. Cette première journée sera suivie de travaux en ateliers. Il s'agit, entre autres, pour les associations de lancer le travail de réalisation de monographie complète à propos du patrimoine, d'inciter les associations à célébrer la journée internationale du Monument le 18 avril prochain, chacune avec ses propres initiatives, des conférences, des visites guidées... Il y aura parmi les recommandations la création d'un site internet du réseau patrimoine national. La deuxième journée (hier) a été consacrée à des visites aux vestiges de Tébessa : l'arc de triomphe de Caracalla, la porte de Solomon, etc.