Les Japonais ont plus de facilité que les Américains à digérer les sushis grâce à des bactéries intestinales ayant emprunté des gènes appartenant à une bactérie marine, selon une étude publiée dans la revue Nature hier. Leur découverte illustre la diversité du métagénome humain, qui compte quelque 100 000 milliards de microbes présents dans notre tube digestif. Des chercheurs de l'université Pierre et Marie Curie (UPMC) à Paris et de la station de biologie marine de Roscoff, en Bretagne, ont trouvé que la bactérie Zobellia galactanivorans possédait une enzyme capable de séparer en deux une molécule d'amidon appelée prophyra, présente dans les algues rouges du genre Prophyra. Ils ont ensuite constaté que des gènes codants pour cette enzyme étaient également présents dans la bactérie Bacteroides plebeius, dont la présence a jusqu'ici seulement été constatée dans les selles des Japonais. Aussi, les scientifiques autour de Mirjam Czjzek, de la station de Roscoff, sont-ils persuadés que B. plebeius a emprunté, par échange de matériel génétique, les gènes de la bactérie vivant sur les algues rouges. Suivant les principes de la sélection des espèces décrits par Darwin, les exemplaires de la bactérie B. plebeius possédant le gène importé avaient de meilleures chances de survie que les autres lorsque exposées à un régime alimentaire nippon, et se sont par conséquent modifiées en conséquence chez les Japonais. Ces derniers consomment en moyenne 14 grammes d'algues par jour, dont celles du genre Porphyra qui constituent l'apport le plus important. Le rôle des algues dans l'alimentation japonaise est documenté de longue date. Au XIXe siècle, elles constituaient par exemple un moyen de paiement de l'impôt. « La prochaine fois que vous goûterez à un mets exotique, pensez aux microbes que vous pourriez aussi ingérer » et qui pourraient aider votre flore intestinale à mieux les digérer, relève, dans un commentaire à cette étude Justin Sonnenburg, un chercheur de l'Université de Stanford, aux Etats-Unis.