Les huit plasticiens se retirent quelque peu dans l'ombre pour mettre en avant d'autres talents. On les laissera donc dans leur coin - chargés de couleurs et toujours aussi foisonnant d'idées - pour jeter un coup d'œil chez les autres. Le premier constat qui s'impose à première vue : la relève est déjà assurée. Deux spécimens semblent s'imposer dans le courant très particulier d'Essebaghine : Souad Douibi et Fatima Chafaâ, deux jeunes étudiantes de l'Ecole supérieure des beaux-arts. Sous le signe de la récupération, les deux artistes ont investi deux pièces du palais des Raïs. L'installation de la première consiste en une nuée de bouteilles et de flacons recouverts de papier. Leurs bouchons sont fixés sur du fil de fer, tel un œil omniprésent. Le tout entreposé çà et là et éclairé à la lueur de quelques bougies. Les mêmes objets sont également représentés sur des bouts de toile, accrochés négligemment sur les murs. Du décor, se dégage une impression surprenante, celle d'être épié par une multitude de personnages extravagants. La deuxième installation est tout aussi surprenante. Des poupées, souvent étêtées et recouvertes de papier, gisent à même le sol couvert de journaux ou se balancent, accrochées à des fils. Sur les murs, des bustes de mannequins, peints ou habillés et des photographies de poupée emplissent la vue. Elles sont partout, comme une obsession agressive, qui force au recueillement. Parmi les autres amis d'Essebaghine, le jeune Abdelghani Rahmani qui expose deux toiles : un paysage de la baie d'Alger, avec un petit avion qu'on reconnaîtra tous et le portrait d'un homme, en costume et cravate, dont les traits semblent déformés par une douleur, ou peut-être par une vision. Kheira Sadi, céramiste, expose une poterie constituée de plusieurs pièces reliées par du fil et accrochée dans un passage, comme pour forcer l'attention. Des étudiants de l'Ecole des beaux-arts d'Alger et d' Aix-en-Province (France) exposent des dessins : des reprographies et des sérigraphies, dont le thème est l'olivier. Et Yamo, le designer. Son installation, « l'Ombre bleue », a des senteurs marines. Au centre du palais, là où se dégage un morceau du ciel d'Alger, des galets de différentes tailles entourent une grosse pierre, ornée d'une touffe de loufah. De cette manifestation, se dégagent donc plusieurs impressions, interprétées de différentes manières. Mais le point fort vise à marquer les esprits. Les marquer de souvenirs : celui de l'assassinat d'un directeur de l'Ecole des beaux-arts d'Alger et de son fils, Rabah, un 5 mars 1994. Puis celui de la tragique disparition de l'épouse et de la mère, Anissa, un 13 mars 2001.