La dixième session du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) doit décider, aujourd'hui à Oran, des mesures que comptent prendre les pays exportateurs face au bouleversement du marché gazier qui s'est déjà traduit par une baisse importante des prix sur le marché spot à 4 dollars le million de BTU (27 m3). L'arrivée hier des ministres des pays membres du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) et la présence de certains d'entre eux à l'inauguration de l'exposition ont permis de mieux entrevoir l'intensité des débats qui auront lieu aujourd'hui, lors de la tenue de la dixième session du Forum. Le ministre qatari du Pétrole, cheikh Abdallah Al Attiyah, a déclaré hier à Oran que son pays soutenait la proposition de l'Algérie de maintenir les prix du gaz indexés sur le pétrole : « Le plus important est de maintenir les prix du gaz indexés sur ceux du baril de pétrole pour arriver à des prix justes et viables. Il ne s'agira pas d'obtenir des prix idéaux. » Pour le ministre qatari, « le marché actuel du gaz n'est pas équitable ». Les échos des déclarations du ministre russe de l'Energie à la presse de son pays sont arrivés hier à Oran. Celui-ci, Serguei Chmatko, aurait rejeté l'idée d'une baisse de la production de gaz en choisissant de ne parler que de la nécessité de rapprocher les positions. « Le but de cette rencontre n'est pas une baisse de la production mais de discuter des mécanismes qui permettront un juste prix du gaz et stabiliser le marché », aurait-il déclaré. L'indexation du prix du gaz sur celui du pétrole est un sujet qui doit être abordé, selon le ministre russe. A Oran, le ministre russe a déclaré que « la Russie estime que les prix actuels du gaz ne sont pas équitables, ils limitent les investissements et il faut des démarches adéquates pour trouver des solutions, ce qui n'est pas facile ». Une manière diplomatique d'expliquer son opposition à la réduction de la production, surtout quand il déclare : « Si on réduit la production, les prix vont flamber. » Hier en fin d'après-midi, les organisateurs attendaient l'arrivée des ministres libyen et iranien pour faire le plein, selon une source proche du Forum. Le débat d'aujourd'hui sera certainement axé sur la défense de la poursuite de l'indexation du prix du gaz sur celui du pétrole. La question de la réduction de la production ne semble pas faire l'unanimité, vu sa complexité. Actuellement, au niveau des pays consommateurs, la thèse d'un alignement des prix du gaz des contrats à moyen et long termes sur les prix du marché spot fait son chemin. Les prix sur le marché spot sont très bas. Les pays consommateurs ne veulent pas laisser le prix du gaz indexé sur celui du pétrole, vu que ce dernier est appelé à augmenter continuellement. Et les pays exportateurs de gaz semblent vouloir se préparer en choisissant de maintenir l'indexation pour défendre leurs intérêts. Divergences sur la réduction de la production Un consensus semble se dessiner sur l'indexation vu que la réduction ne fait pas l'unanimité. Si l'Algérie avait déjà annoncé la couleur en proposant, il y a quelques semaines, une réduction de la production pour rééquilibrer le marché, déstabilisé par la grande offre de gaz qui a marqué le marché américain, la Russie et ensuite le Qatar ont exprimé leur scepticisme vu le caractère complexe du marché du gaz. Ce scepticisme est exprimé à cause de l'engagement des vendeurs, que sont la Russie et le Qatar, à travers les contrats à long terme. En effet, il est difficile de couper dans des quantités qui ont déjà été vendues. Une semaine déjà avant la tenue du 10e FPEG, le ministre de l'Energie du Qatar avait indiqué que « la question n'est pas de réduire ou non la production de gaz » et que « seule la question des ventes sur le marché spot pourrait être évoquée lors de la prochaine réunion du FPEG ». Comme principale cause de cette position, le ministre avait ajouté que le Qatar n'envisageait pas de réviser ses accords d'exportation. « Au Qatar, nous avons des contrats à long terme avec des obligations pour le vendeur et l'acheteur », avait-il indiqué. Quelques jours auparavant, le ministre russe de l'Energie aurait déclaré qu'il n'était pas possible de réduire la production de gaz, en soutenant que la baisse actuelle des prix sur le marché spot ne nuira pas aux contrats à long terme. Ces déclarations étaient venues en réaction à la proposition du ministre algérien, Chakib Khelil, qui avait appelé à une réduction de la production de gaz pour supporter les prix, qui ont atteint les 4 dollars le MBU sur le marché spot. En fait, il est difficile pour un pays exportateur de gaz de réduire sa production vu les contrats à long terme qu'il a signés et qui entraînent des engagements. Les pays exportateurs ne peuvent pas ignorer la nouvelle donne que constitue la baisse du prix du gaz sur le marché spot. Elle peut influencer les négociations à venir dans les contrats de vente. Lors d'une rencontre avec la presse, samedi soir, et en réponse à une question sur le devenir de la proposition algérienne de réduire la production de gaz, le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, a indiqué : « Nous allons attendre la réunion des ministres, le 19. C'est aux ministres d'évaluer la situation, de décider en analysant la situation entre la demande et l'offre et de prendre la décision idoine. » Ce genre de proposition, comme au sein de l'Opep, ne peut être prise qu'à travers un consensus. A une question sur le contenu de l'étude qui sera soumise aux ministres, M. Khelil a indiqué qu'« elle donne plusieurs idées sur la situation du marché, l'évolution des prix, l'impact que cela a sur les revenus des pays, ce qu'on perd en ne travaillant pas ensemble, en ne coordonnant pas nos opérations de transport, de swap ». A propos du prix parfait du gaz, le président en exercice du Fpeg a répondu : « Le prix parfait pour le gaz serait celui du baril de pétrole divisé par six. Historiquement, il a été divisé par dix, mais actuellement, c'est par vingt, et ce n'est pas viable pour les pays producteurs », en ajoutant qu'« il faut que nous rééquilibrions le marché et l'objectif est d'aboutir à un prix qui arrange aussi bien les exportateurs que les consommateurs et qui assure les investissements à long terme ». Pour le ministre, « le maintien du prix du gaz à ses niveaux actuels risquerait de reporter les investissements futurs dans ce domaine ». Après une dizaine d'années d'activité, les préoccupations de pays gaziers se trouvent maintenant directement liées aux marchés et ils commencent à évoquer la défense de leurs intérêts de producteurs. Après avoir démarré comme espace de concertation, en 2001, en menant des débats autour de nombreuses études, le Forum a commencé à se transformer en organisation.