Hier, des dizaines de citoyens se sont rassemblés au niveau des différents accès de l'aéroport de Tébessa pour empêcher la visite du ministre de l'Energie. Les ministres du gouvernement Bedoui n'arrivent pas à effectuer des visites sur le terrain. Après ce qui s'est passé samedi à Béchar pour les nouveaux chefs des départements de l'Intérieur, des Ressources en eau et de l'Habitat, qui ont été, sous la pression populaire, obligés de faire l'impasse sur quelques étapes de leurs visites, hier, celui de l'Energie a dû emprunter, et sous une forte escorte policière, un circuit dérobé (une piste) pour pouvoir quitter l'aéroport de Tébessa. Mohamed Arkab avait été annoncé la veille en visite dans cette wilaya pour «inspecter plusieurs projets et structures relevant de son secteur». A cet effet, très tôt hier, des dizaines de citoyens se sont rassemblés au niveau des différents accès de l'aéroport pour empêcher la visite du ministre. «Nous ne reconnaissons pas le chef du gouvernement, Noureddine Bedoui, et tous ses ministres», diront plusieurs citoyens présents sur les lieux dans des vidéos postées sur les réseaux sociaux. En fin d'après-midi, des brigades du BRI (brigade rapide d'intervention) et de la gendarmerie sont intervenues pour faire sortir Arkab de l'aéroport. Selon des informations, celui-ci aurait été escorté vers Constantine. D'autres ont affirmé qu'il était resté dans l'aéroport attendant de retourner à Alger. Ce qui est certain, c'est que la visite a été annulée. La veille, ce sont les ministres de l'Intérieur et des Collectivités locales, Salaheddine Dahmoune, des Ressources en eau, Ali Hamam, et de l'Habitat, de l'Urbanisme et de la Ville, Kamel Beldjoud, qui ont fait face à la furie des citoyens. A Béchar, pour une visite de deux jours, les trois ministres ont été obligés d'annuler des étapes de leur déplacement. Des dizaines de citoyens sont sortis dans la rue pour dénoncer la venue de ces ministres. Certains d'entre eux ont passé la nuit précédant l'arrivée des officiels devant l'aéroport pour leur exprimer leur rejet. Les forces de l'ordre ont même usé de canons à eau et de gaz lacrymogènes pour disperser les foules. «La visite de la délégation ministérielle prévue dimanche (hier, ndlr), dans la wilaya déléguée de Beni Abbes et dans plusieurs communes de cette collectivité, a été annulée à cause d'un mouvement de protestation populaire qui s'est opposé à cette visite, scandant ne pas reconnaître la légitimité du gouvernement», avait indiqué l'agence officielle. Le premier ministre du gouvernement Bedoui à se faire «dégager» est celui des Travaux publics et des Transports, Mustapha Kouraba, qui devait effectuer, le 7 avril, une visite à Aïn Naâdja, à Alger. Dès l'arrivée des véhicules de la délégation officielle, des citoyens, rassemblés sur place, ont commencé à scander des slogans antisystème et à dénoncer le gouvernement Bedoui. Le ministre n'est même pas sorti de son véhicule et la délégation a aussitôt rebroussé chemin. D'autres ministres font face, pour ceux qui ont opté pour des activités au sein de leurs départements, au refus de quelques-uns de leurs partenaires d'assister aux réunions de travail. C'est le cas de six syndicats de l'éducation, regroupés au sein de la Coordination des syndicats algériens, qui ont refusé d'assister, hier, à une réunion avec le ministre de l'Education nationale, Abdelhakim Belabed, consacrée aux examens de fin d'année, ou de certains éditeurs qui ont décliné l'invitation du ministre de la Communication, Hassane Rabehi, qui les avaient conviés à une réunion de travail. Par conséquent, des chefs de département ministériel, qui avaient programmé des visites ces jours-ci, ont dû revoir leurs programmes. La situation est telle que certains trouvent même des difficultés à réunir les responsables de leur propre secteur. Face à l'ampleur du mécontentement populaire, les membres du gouvernement Bedoui n'arrivent pas à exercer leurs fonctions. Le Premier ministre avait succédé le 11 mars dernier à Ahmed Ouyahia, lequel avait démissionné à la suite des manifestations grandioses de rejet du système qui avaient débuté le 22 février. Le nouveau locataire du palais de l'avenue Docteur Saadane n'a constitué son gouvernement que le 31 mars, soit 20 jours plus tard. Entre-temps, les citoyens n'ont pas cessé de réclamer son départ, comme pour les 3 autres B, à savoir le président du Conseil constitutionnel, Tayeb Belaïz, le président du Sénat, intronisé chef d'Etat le 9 avril, Abdelkader Bensalah, et le président de l'APN, Mouad Bouchareb. Aujourd'hui, il est clair qu'au vu du rejet de ces responsables par les citoyens, il serait quasiment impossible pour les membres du gouvernement d'effectuer des visites sur le terrain, à moins d'user de la force publique, comme ce fut le cas à Béchar. D'ailleurs, plusieurs citoyens ont exprimé sur les réseaux sociaux leur volonté d'empêcher les futurs déplacements des ministres. Si ces derniers n'arrivent pas à se rendre aux différentes wilayas, comment imaginer alors que des candidats – pour l'instant un seul a exprimé son souhait de prendre part à ce rendez-vous – puissent animer des meetings en prévision de l'élection présidentielle du 4 juillet prochain ? Dans l'état actuel des choses, il est de plus en plus évident qu'il sera impossible de maintenir cette joute électorale à sa date prévue. En somme, le gouvernement Bedoui tout comme le processus électoral en cours sont apparemment voués à l'échec.