Depuis trois vendredis consécutifs de manifestations pacifiques, le peuple a clamé son refus catégorique de tout ce qui incarne l'actuel système, et en première ligne, Bedoui et son Exécutif. Rejeté et contesté par les Algériens depuis sa nomination, le 31 mars, le gouvernement à sa tête le Premier ministre, Nourredine Bedoui, est sommé de «dégager». Depuis trois vendredis consécutifs de manifestations pacifiques, le peuple a clamé son refus catégorique de tout ce qui incarne l'actuel système, et en première ligne, Bedoui et son Exécutif. La sentence du peuple est tombée, et elle est irrévocable. Non reconnu, le staff gouvernemental est par conséquent, «illégitime» aux yeux du peuple, qui ne perd pas de vue ses revendications. Les moyens d'action ne manquent pas pour les faire aboutir. Et avec ce qui s'est passé dans deux wilayas des deux extrémités du pays, on imagine qu'aucun ministre ne pourra aller à la rencontre de la population sans créer l'émeute, ou qu'il soit refoulé par les populations. Hier encore, l'un des ministres a fait les frais de la colère du peuple. Le ministre de l'Energie, Mohamed Arkab, qui a entamé sa première sortie sur le terrain, a été empêché de quitter l'aéroport de Tébessa par des centaines de citoyens, l'invitant de retourner illico-presto à Alger. La veille aussi, trois autres ministres ont été chassés par la population de Béchar. En visite de travail, Salah Eddine Dahmoune, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Kamel Beldjoud, ministre de l'Habitat, et Mohamed Miraoui, ministre de la Santé, ont été fortement conspués par les manifestants. La délégation ministérielle a été accueillie dans un climat tendu, en dépit du déploiement d'un dispositif de sécurité impressionnant. Les manifestants n'ont pas abdiqué, et ont suivi la délégation pas à pas. «Gouvernement dégage !», «Non à la bande !», ont-ils scandé tout le long du parcours, en arborant l'emblème national et en brandissant des banderoles et des pancartes hostiles au pouvoir. À Béchar comme à Tébessa, les délégations refoulées sont pourtant venues inaugurer des projets d'infrastructures, dans des domaines aussi vitaux que ceux de l'eau, du logement, de l'énergie… Cette position tranchée vis-à-vis du nouveau gouvernement a déjà été exprimée, ici même à Alger, lors de la visite, le 07 avril 2019, de Mustapha Kouraba, nouveau ministre des Travaux publics qui, à son tour, a été carrément empêché par les citoyens, d'effectuer une visite à Aïn Naâdja. Il a dû annuler sa première sortie publique d'inspection du chantier de creusement du tunnel reliant la station d'Aïn Naâdja à Baraki (Alger). En dépit des fortes pluies qui se sont abattues, des manifestants se sont rassemblés devant le chantier, en scandant des slogans du mouvement populaire, notamment : «gouvernement dégage !», et «le gouvernement ne représente pas le peuple !». C'est aussi le cas de Meriem Merdaci, la nouvelle ministre de la Culture, impopulaire et décriée par les employés de son secteur. Ces derniers ont observé un sit-in le 11 avril dernier, devant leur siège ministériel, scandant clairement qu'ils «ne lui reconnaissent aucune légitimité». Le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Youcef Belmehdi a, quant à lui, vu s'emporter contre lui l'imam Ali Aya, lors de la cérémonie de son installation, le 04 avril dernier. Le boycott des syndicats Les syndicats, qui ont apporté depuis le début leur soutien au mouvement populaire pacifique, sont eux aussi passés à l'action. Hormis les marches et les rassemblements organisés par les sections syndicales des différents secteurs, ils jouent désormais la carte du boycott. On citera entre autres, la Coordination des syndicats de l'Education qui s'est abstenue, hier 14 avril, de se réunir avec le ministre, sur la préparation des examens de fin d'année. Les syndicats, au nombre de six, ont expliqué ne pas vouloir «traiter avec un ministre appartenant au gouvernement Bedoui, rejeté par le peuple». Se défendant de n'être «le prolongement de personne», dans une allusion à l'ex-ministre Benghabrit, Abdelhakim Bélabed a admis que sa mission «est difficile et sensible». Le Club des magistrats algériens a pris, pour sa part, le 13 avril 2019, une décision irrévocable, celle de boycotter l'élection présidentielle devant se dérouler le 04 juillet prochain. «Comment peut-on tenir des élections libres et honnêtes, alors que la loi électorale n'a pas été révisée?», se sont interrogés les 100 juges affiliés à cette nouvelle organisation. Le sort de l'Exécutif semble être politiquement scellé.