Trente-six millions d'électeurs espagnols sont appelés à se rendre aux urnes aujourd'hui pour des élections législatives anticipées, la troisième fois en trois ans et demi, pour élire à nouveau un gouvernement. L'Espagne rejoindra-t-elle l'Italie, la Hongrie et l'Autriche en donnant le pouvoir à un gouvernement d'extrême droite, ou elle continuera-t-elle avec le parti socialiste de Pedro Sanchez ? Après que le Parlement ait refusé de voter le budget 2019 du gouvernement minoritaire de Pedro Sanchez, des élections législatives anticipées auront lieu ce dimanche 28 avril pour élire les 350 députés du Congrès et ainsi que 208 sénateurs. Dans un contexte inédit, entre difficulté à former une coalition et poussée de Vox, le pays pourrait basculer dans l'instabilité parlementaire. Le risque de blocage parlementaire reste donc toujours d'actualité. Le Parti des travailleurs espagnols de Pedro Sanchez, 47 ans, chef du gouvernement sortant, devrait rencontrer de réelles difficultés à former des alliances en vue de la constitution d'une coalition, aucun parti n'étant en mesure, d'après les récents sondages, d'obtenir une majorité au Congrès des députés (176 sièges). Face à la montée de l'extrême droite, les socialistes espèrent rafler la mise aujourd'hui et se posent comme recours lors des élections générales. Faute de majorité, le PSOE devra former des alliances pour gouverner. Le fera-t-il à gauche, en réitérant l'expérience avec Unidas Podemos de Pablo Iglesias et l'appui de forces régionales, comme cette année, ou à droite, avec Ciudadanos (C's), la formation ultralibérale d'Albert Rivera, avec lequel il a déjà pacté par le passé ? C'est là l'une des grandes interrogations post-scrutin. «Il ne suffit pas de gagner les élections, nous devons bien les gagner», a insisté le chef de file du parti socialiste espagnol, Pedro Sanchez, mercredi, lors d'un meeting à Gijon (Asturies). Casado, le nouveau visage du PP Suite aux scandales de corruption au sein du Parti populaire (PP), qui sont à l'origine de la chute de Mariano Rajoy, chef du gouvernement espagnol, et de son parti, le nouveau visage de la droite espagnole, Pablo Casado, 38 ans, a pris la tête l'an dernier du PP. Pablo Casado incarne une ligne résolument conservatrice, anti-immigration, pro-familles et libérale en économie. Ce proche de l'ancien Premier ministre, Jose Maria Aznar, met en exergue l'unité de l'Espagne face à la crise indépendantiste en Catalogne, qui secoue le royaume. Son principal défi pour accéder à la Moncloa, la résidence du Premier ministre espagnol, est d´enrayer la fuite des électeurs vers le centre-droit de Ciudadanos et l'extrême droite renaissante, incarnée par Vox. Tout en se gardant la possibilité d'une alliance avec ces partis, pour former un gouvernement. Une coalition de toute la droite n'obtiendrait pas non plus de majorité absolue, conclut la même enquête. Formé par d'anciens militants du PP, déçus par la gestion de la crise catalane, Vox devrait faire une entrée inespérée au Congrès après une violente campagne sur les réseaux sociaux. Fondé en 2013, Vox a profité ces derniers mois de la situation en Catalogne, ses membres se sont montrés très virulents à l'égard des indépendantistes qui ont tenté, en octobre 2017, de faire sécession. Ils prônent l'interdiction des partis séparatistes. La question catalane a, en effet, largement contribué à l'émergence de Vox, un parti d'extrême droite et qui a fait de la lutte contre les indépendantistes l'un de ses chevaux de bataille. Jusqu'à ces derniers mois, l'extrême droite espagnole n'existait pas vraiment dans le paysage politique. Groupusculaire ou absorbée par la droite traditionnelle, elle n'a jamais percé depuis la transition démocratique et la mort de Franco en 1975. La situation a changé, le parti politique Vox de Santiago Abascal est apparu dans la sphère médiatique, jusqu'à faire une importante percée dans les urnes lors des dernières élections régionales en Andalousie. Tirant profit de la colère des électeurs, le mouvement a obtenu 12 députés régionaux à cette occasion. Et la formation nationaliste a permis aux conservateurs du Parti populaire et aux libéraux de Ciudadanos de prendre le pouvoir dans ce fief socialiste. L'équation catalane Sur les 52 circonscriptions électorales des législatives d'aujourd'hui en Espagne, Vox a présenté cinq militaires en tête de listes. De hauts gradés de différents corps de l'armée ont été cooptés par la formation de Santiago Abascal pour défendre ses couleurs lors de ce scrutin. Quatre retraités généraux à Cádiz, Alicante, Castellón et Pontevedra et un colonel de la Légion à Melilla. La Catalogne est au centre de l'attention. La querelle autour de l'indépendance de la Catalogne continue aujourd'hui, en Espagne, un an et demi après ce qui a été vécu comme un tremblement de terre dans le pays et en Europe. Le référendum et la déclaration manquée d'indépendance est au centre de tous les débats. La campagne a également été alimentée par le procès de 12 dirigeants catalans, procès historique encore en cours, deux mois après son ouverture. La question catalane divise profondément la société espagnole et révèle aussi des fractures plus anciennes, et peut-être plus profondes. Elle fragilise, sans en être la seule la cause, l'unité de l'Espagne.