Contesté plus que jamais, le projet de loi relatif aux professions d'expert- comptable, de commissaire aux comptes et de comptable agréé fera aujourd'hui l'objet de débat en plénière à l'Assemblée populaire nationale (APN). Le ministère des Finances justifie cette réforme par la nécessité de mettre de l'ordre dans la profession de comptabilité. Au sein des professionnels, le malaise est à son comble. « Le projet est inopportun ! », tonne Hamdi Mohamed-Lamine, président de l'Ordre national des experts-comptables, de commissaires aux comptes et de comptables agréés. Depuis janvier dernier, le nouveau plan comptable et financier est entré en vigueur. « C'est malintentionnée de vouloir faire passer la réforme de la profession au moment où les professionnels sont occupés par la mise en œuvre du nouveau plan comptable », explique-t-il. Ecartés de l'élaboration dudit projet de loi, les professionnels de la comptabilité se disent poignardés dans le dos. « Le texte est en décalage par rapport à la réalité et contraire à l'esprit de la loi. L'exposé des motifs est truffé de contradictions », ajoute M. Hamdi. Au ministère des Finances, il est reproché aux professionnels de la comptabilité de nombreux griefs portant sur les modalités de délivrance des agréments et le manque de formation. Sauf que ces arguments semblent ne séduire personne. « C'est un faux procès », objecte notre interlocuteur pour qui son organisation a délivré un nombre important d'agréments et entrepris des cycles de formation au profit des professionnels, jamais réalisés par le ministère des Finances. Autre incrimination formulée : la mise en cause des commissaires aux comptes dans l'éclatement des scandales, notamment celui de Khalifa. A ce titre, M. Hamdi s'écrie : « La première responsabilité incombe à ceux qui ont désigné ces commissaires aux comptes. Notre organisation n'a jamais été consultée. » Selon lui, le projet de loi, tel que présenté par le département de Karim Djoudi, porte en lui-même les germes de l'éclosion d'autres scandales financiers. Si pour les initiateurs, le futur dispositif juridique vise par ailleurs la réorganisation de l'exercice de la profession comptable, les concernés y voient plutôt « un morcellement » en règle et une immixtion « grave » dans le libre exercice de la profession. D'après le texte en question, il est prévu la création de trois catégories professionnelles, à savoir l'Ordre national des experts-comptables, la Chambre nationale des commissaires aux comptes et l'Organisation nationale de comptables agréés, qui exerceront sous la tutelle du ministère des Finances par le biais d'un nouveau Conseil national de comptabilité (CNC). « On n'est pas contre la réforme. Elle est la bienvenue. Mais dans ce cas de figure, on veut mettre définitivement sous scellé la profession », observe-t-il. Ceci dit, M. Hamdi prévient contre le risque que pourrait susciter la mise en application de ce projet de loi. « L'accouplement d'une mise en application tâtonnante du nouveau plan comptable et financier avec le morcellement de la profession comptable en trois catégories risquent de rendre l'information financière illisible. D'ailleurs, les professionnels auront les mains liés », avertit-il. Il y a lieu de noter que les 10 textes d'application du projet de réforme sont déjà prêts. Notre interlocuteur n'a pas digéré cette annonce. « C'est le fait accompli. C'est une insulte aux députés de l'APN. Ils veulent imposer la réforme comme un fait », dénonce-t-il. Depuis l'annonce du projet de loi, les professionnels de la comptabilité ont mené un travail de lobbying auprès des députés de l'APN afin de les convaincre de l'inanité d'un tel projet.