Le projet de loi relative aux professions d'expert-comptable, de commissaire aux comptes de et comptable agréé sera examiné aujourd'hui à l'Assemblée populaire nationale (APN). Ce projet de loi entend introduire plusieurs réajustements pour remédier à la situation de «blocage» caractérisant actuellement cette profession, affirment ses auteurs. Ils motivent également cette réforme par la situation qui prévaut dans le conseil des experts-comptables, marquée par «d'incessantes crises internes graves et profondes qui ont débouché sur le blocage de son propre fonctionnement, le gel de ses activités et la division des professionnels». Pour les initiateurs du projet de loi, l'organisation de la profession comptable issue de la loi 91-08 s'est caractérisée par de «nombreuses faiblesses», notamment la prise en charge totale de la régulation de cette profession par le conseil de l'Ordre en l'absence des pouvoirs publics et le regroupement en une organisation unique de catégories professionnelles dont les missions et les intérêts sont divergents. Mais si, du côté du ministère des Finances, on considère que ce projet de loi est venu mettre un terme à une situation d'anarchie, l'ordre des experts-comptables, des comptables agréés et des commissaires aux comptes n'est pas du tout de cet avis. Des conséquences sur l'économie nationale Les professionnels concernés par cette réforme ne comptent pas baisser les bras pour faire tomber certains amendements de ce projet de loi. Ainsi, pour le président de l'ordre, Mohamed Lamine Hamdi, «cette forme d'exercice direct de la tutelle compromettra la profession et limitera la liberté et l'indépendance morale du professionnel». Dans sa critique de l'exposé des motifs, M. Hamdi a estimé que «les initiateurs semblent être à court d'arguments pour justifier l'objectif caché de leur projet qui est essentiellement l'ouverture de la profession à l'exercice par les étrangers par tous les moyens». Ainsi, à ses yeux, «le fait de séparer les corps de métiers en trois organisations consiste à affaiblir cette profession, ce qui constitue un des premiers pas dans la vulnérabilité et l'affaiblissement de la profession qui devient ainsi un appât facile aux autres professions [cabinets] dans le monde». Ensuite, ajoute-t-il, le fait de ne pas avoir indiqué clairement la nécessité d'unifier les corps et de créer ainsi une grande force d'experts-comptables qu'exigent l'économie et la formation des jeunes stagiaires est une autre fuite dans cet affaiblissement. En outre, le président de l'ordre évoque aussi «les risques que cette réforme peut avoir comme conséquence sur l'économie nationale et sur la sécurité financière du pays, du fait que l'une des missions principale que confie le législateur au professionnel comptable est la protection de l'épargne publique». En d'autres termes, M. Hamdi explique qu'aucune évaluation scientifique sur les conséquences et les risques n'a été faite préalablement quant à l'introduction de cette réforme, alors que «nous prévoyons une catastrophe pour la profession, la promotion des jeunes pour ce métier, ce qui fera le bonheur des cabinets étrangers», souligne-t-il. Dans le même ordre d'idées, le président de l'ordre ne cache pas que ce projet ne fera que «conforter la pratique qui a consisté à désigner d'une manière administrative le commissaire aux comptes sans aucune consultation de son institution ordinale qui a le pouvoir de conforter le professionnel dans sa mission». «Cette pratique nous fait percevoir que, dans les scandales que nous vivons aujourd'hui, au niveau des banques, des grandes institutions et sociétés, les commissaires aux comptes ont été désignés, sinon ils ont été cernés intellectuellement dans leur indépendance professionnelle (l'influence de la grandeur de l'institution)», soutient-il. Selon M. Hamdi, l'ordre des experts-comptables, des comptables agréés et des commissaires aux comptes a suggéré d'apporter des amendements au texte et «aspire à une période transitoire où les commissaires aux comptes et les comptables agréés seront alignés au statut d'expert-comptable autorisé pour mettre un terme à cette multiplication de catégories». Ce que propose le projet de loi Pour en revenir au projet de loi qui sera débattu aujourd'hui, il convient de rappeler que le texte a prévu un certain nombre d'amendements. Ainsi, en matière de régulation de la profession, le texte prévoit la création d'un conseil national de la comptabilité, placé sous l'autorité du ministre des Finances. Il aura pour missions la normalisation comptable, l'organisation et le suivi des professions comptables. Pour l'organisation de la profession, le document propose la création de trois catégories professionnelles : un ordre des experts-comptables, une Chambre nationale des commissaires aux comptes et une organisation nationale des comptables agréés. Ces instances professionnelles seront, elles aussi, placées sous la tutelle du ministre des Finances et ce, par le biais du Conseil national de la comptabilité et par ses représentants nommés auprès des différents conseils professionnels. Concernant l'octroi de l'agrément pour l'exercice de la profession, ce document relèvera des prérogatives du ministre des Finances. Les demandes d'agrément pour les trois professions seront adressées au futur Conseil national de la comptabilité qui va les apprécier et les transmettre au ministre pour l'octroi de l'agrément. Le contrôle de la qualité professionnelle et technique des travaux des experts-comptables, des commissaires aux comptes et des comptables agréés sera assuré également par le ministère. Le document exige par ailleurs que la formation des experts-comptables et des commissaires aux comptes soit assurée par une institution d'enseignement spécialisée du ministère des Finances alors que celle des comptables agréés devra être, elle, dispensée par les établissements du ministère de la Formation professionnelle. Le projet de loi fixe enfin les conditions de l'exercice des professions d'expert-comptable, de commissaires aux comptes et de comptable agréé par les personnes physiques ou morales qui doivent notamment être de nationalité algérienne, titulaires des diplômes requis pour l'exercice des trois professions et agréés par le ministre des Finances. S. B.