Le bureau du Conseil de la nation (Sénat), avec les trois chefs de groupe du FLN, du RND et du tiers présidentiel, s'est réuni dimanche dernier afin d'examiner la demande du parquet d'Alger pour la levée de l'immunité parlementaire de Djamel Ould Abbès et de Saïd Barkat. La réunion a été sanctionnée par le vote de la levée de l'immunité parlementaire grâce à la voix prépondérante du président par intérim, Salah Goudjil, (quatre voix pour, quatre voix contre, dont celle d'Ould Abbès). Le dossier sera donc transmis à la commission juridique du Sénat, laquelle va proposer au vote de la plénière la levée de l'immunité parlementaire des deux hommes politiques, dont la gestion du ministère de la Solidarité qu'ils avaient en charge en tant que ministres a défrayé la chronique. Les deux hommes sont accusés par le parquet d'avoir détourné plus de 700 milliards de centimes «sous couvert d'aides aux nécessiteux, achats de bus scolaires, achats de matériels pour des handicapés, acquisition d'ambulances et aide aux étudiants dans le besoin, sans que les concernés en bénéficient». Ould Abbès aurait même octroyé près de 150 milliards de centimes à quatre associations caritatives qu'il préside lui-même. La date de la séance plénière n'a pas été encore fixée, mais on ne donne pas cher de la peau d'Ould Abbès et Barkat, qui seront fixés sur leur sort avant la fin du mois de Ramadhan, selon une source proche du Sénat. Les deux parlementaires de la Chambre haute auraient pu répondre eux-mêmes à la convocation du parquet sans faire valoir leur immunité parlementaire. A l'exemple de ce sénateur et ancien chef des Patriotes de la région de Tizi Ouzou, qui a répondu, il y quelques années, à la convocation du parquet pour une accusation de meurtre et qui a été innocenté par la cour de justice. L'implication des deux dans le détournement d'importantes sommes du Fonds de solidarité nationale ne fait pas de doute, selon une source proche du dossier, notamment après l'audition d'une dizaine de cadres du ministère de la Solidarité. Ould Abbès et Barkat seront certainement entendus sur d'autres dossiers de détournement. L'ancien ministre de l'Agriculture, Saïd Barkat, est en effet nommément mis en cause avec Ammar Saadani, l'ancien président de l'APN, dans l'affaire du Fonds national de développement rural et agricole (Fndra) doté de 3200 milliards de centimes environ, dilapidé presque dans sa totalité. Les deux hommes ont bénéficié de la protection de Saïd Bouteflika au moment où les principaux médias ont dévoilé le scandale en grandes manchettes. Mais l'affaire a été vite étouffée. Ould Abbès pourrait être également concerné par la conclusion de marchés douteux dans l'importation de médicaments du temps où il était ministre de la Santé, ainsi que par l'affaire des pots-de-vin pour les inscriptions des candidats aux législatives ou aux communales lorsqu'il était secrétaire général du FLN. Autant dire que les deux parlementaires sont dans de «beaux draps». D'autres parlementaires devraient, en principe, connaître la même situation. De nombreuses voix se sont en effet élevées pour demander la levée de l'immunité parlementaire de certains députés qui se sont enrichis de manière douteuse. Il s'agit des députés Bahaeddine Tliba et Mohamed Djemai, tous deux du FLN. Djemai, l'actuel secrétaire général du FLN, est quasiment le baron de la friperie en Algérie. Il a réussi le tour de force de chambouler la loi de finances 2015 en faisant voter à l'APN l'autorisation d'importation de la friperie en vigueur jusqu'à aujourd'hui. Les deux hommes ont réussi à se frayer une voie royale sur la scène politique nationale grâce à leur immense fortune et à des responsables politiques véreux.