Il ne reste plus rien à dire, vu que tout est décidé par le chef d'état-major, Gaïd Salah. Désormais, penser à une autre feuille de route de «sortie de crise», comme il décrit lui-même la situation politique actuelle, en dehors de la sienne est considéré comme un acte de «trahison», lit-on dans l'article de l'APS qui reprend l'éditorial paru mercredi dans le dernier numéro de la revue El Djeïch. Le plan de ces derniers, qualifiés par Gaïd de «revanchards», est décrit comme de «vils desseins afin de mettre la main sur le hirak pacifique et de prendre le train en marche». Ce qu'il a exactement fait après la démission de Bouteflika. Gaïd Salah n'a, finalement, jamais aspiré au débat comme il le prétend. Ou, pense-t-il que les gens l'acclameront et épouseront aveuglément ses démarches comme certains soumis le faisaient à l'époque des Bouteflika ? Ses appels au dialogue, notamment quand il critique les formations politiques qui ont refusé de prendre part à la conférence nationale de Bensalah, ne sont que des mots, du vent… Il se contredit, certes ! Pis, il nous conduit droit vers une dictature militaire où la pluralité politique et le débat contradictoire ne sont qu'utopies. «Décidément, être contre Gaïd Salah est un complot contre la nation ! Je suis contre lui, comme l'est la majorité des Algériens qui sortent chaque vendredi et alors ! Le chef d'état-major ne reflète aucunement les aspirations du peuple», lance Moussa Naît Amara, militant politique. Boycott La solution politique qui donnera suite à la révolution du peuple se complique de plus en plus depuis l'implication de Gaïd Salah qui veut, à tout prix, imposer une élection avec les mêmes têtes du système, les mêmes mécanismes et la même Constitution qui a engendré l'impasse. En dehors des casernes, ce sont plusieurs partis politiques et personnalités publiques à appeler plutôt à une période de transition ou un processus constituant qu'une élection précipitée qui ne laissera aucunement le temps à la société de s'organiser et n'arrangera que les forces organisées, dont celles de l'armée et du pouvoir. Une grande partie des Algériens, si ce n'est la majorité, comme ils le font savoir chaque vendredi, campent sur leur position de «boycott de la prochaine élection présidentielle si la revendication principale du mouvement, qui est le départ de tout le système, n'est pas réalisée». «Le pouvoir continue dans sa politique d'il y a 20 ans. Cette dernière consistait à écarter le peuple des plus importants rendez-vous politiques et électoraux. Maintenir le 4 juillet comme date de la prochaine élection présidentielle, c'est pousser le peuple à boycotter cette élection afin que le pouvoir réussisse à préserver ses intérêts», alerte Messaouda Cheballah, cadre du Mouvement démocratique et social (MDS). Pas de période de transition pour le chef d'état-major, ce qui le met dans la catégorie suprême de Rab Dzaïr auquel il s'oppose. Les étudiants ont pris d'assaut les rues, mardi, et ont prouvé, contre toute attente, que les conditions difficiles de ce mois de Ramadhan, pour celles et pour ceux qui l'observent, ne pouvaient les empêcher de continuer leur combat et maintenir la mobilisation. Règlements Pour la manifestation d'aujourd'hui, certains appellent à garder la journée comme fourchette de mobilisation, d'autres appellent plutôt à manifester durant la soirée. Ce qui est certain, rien n'arrêtera la détermination du peuple à aller dans le sens de ses aspirations, pour la fondation d'une réelle démocratie, d'un Etat de justice, de droits et de libertés, et aller vers une deuxième république tant clamée depuis le début des manifestations. Car tout fait croire que Gaïd Salah, qui ne devait même pas s'ingérer dans les affaires politiques, a d'autres aspirations qui ne le concernent que lui ; il justifie ses démarches par la relation de confiance existant entre le peuple et son armée. Après les deux généraux, Tartag et Toufik, ainsi que Saïd Bouteflika – qui n'est qu'un civil et qui ne devrait pas être jugé par un tribunal militaire –, c'était au tou, hier, de la première responsable du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, d'être entendue par le même tribunal, qui l'a mise sous mandat de dépôt. Certains seraient accusés «d'avoir comploté contre l'institution militaire» ou «d'avoir rencontré les comploteurs». D'autres seraient accusés d'avoir «falsifié la décision du limogeage de Gaïd Salah». Mais dans les deux cas, cela ne concernait ni la révolution du peuple ni ses revendications principales, mais uniquement l'institution militaire ou plutôt la personne même du chef d'état-major. «Comment peut-on appeler ceci ce n'est un règlement de comptes», s'interrogent des internautes. «Le peuple ne s'est pas soulevé pour des règlements de comptes. Mais pour le changement radical de tout le système et pour le fondement d'Etat démocratique, d'une justice sociale et la concrétisation de l'indépendance de la justice. Au côté des étudiants, j'appelle les juges, les avocats et les médecins à sortir aussi en masse afin de donner un nouveau souffle à la révolution pacifique du peuple», appelle Djamel Balou, député FFS de Bouira. Que dire de plus quand tout est décidé par Gaïd Salah ? Peut-il faire face aux 20 millions d'Algériens «sans verser aucune de goutte de sang» comme il ne cesse de le dire dans ses diverses communications ? Un peuple pacifique, qui aspire au changement pacifique et souhaite reprendre sa souveraineté : pouvoir décider sans qu'on le fasse à sa place et choisir sans qu'on lui impose quoi que ce soit.