Skikda s'est rattrapée hier, Mila ne décolère pas, Souk Ahras en veut toujours à l'alliance présidentielle, et Annaba promet de continuer à marcher. Le 13e vendredi, et en dépit de la chaleur et la rigueur du jeûne, la population de ces grandes villes a manifesté pour revendiquer le départ de ce qui reste du système, le rejet de l'élection présidentielle du 4 juillet, et l'instauration d'un Etat civil et non pas militaire. Quelques slogans ont divisé cependant les marcheurs. A Tébessa, le chef d'état-major de l'armée est fustigé. «Et ça continue, tant que le chef d'état-major de l'armée continue à tourner le dos à nos revendications, à savoir le départ du dernier sbire de l'ancien système», déclare Brahim, un militaire à la retraite. A Annaba aussi, des manifestants s'en sont pris au général-major Ahmed Gaïd Salah, en scandant : «Nous ne sommes pas des complotistes, nous cherchons simplement notre liberté», «L'Algérie est une République pas une caserne». A Mila, en revanche, les deux positions se sont superposées et des slogans appelant le chef d'état-major à extirper le reste de la bande à Bouteflika ont été portés par des citoyens. «Le peuple mandate Gaïd Salah pour enlever le reste de la issaba». Pareil sur la place de la Liberté à Batna, où un carré de manifestants scandait : «Gaïd Salah dégage !», «Dawla madania machi askaria !» (Etat civil et non militaire), pendant que d'autres nuançaient la position en criant : «Djeich, chaab khawa-khawa» (L'armée et peuple, frères, frères). A Skikda, et en dépit de quelques slogans restrictifs, la majorité des présents ont tout de même réussi à imposer des slogans en faveur de la démocratie, à l'union et appelant au départ de tout le système.
Le hirak en pleine forme à Khenchela Des centaines de manifestants ont tenu un rassemblement à la Cinémathèque de la ville de Khenchela, comme chaque vendredi, pour réclamer le départ du «régime illégal» et mettre fin à ses «tentatives d'imposer des solutions unilatérales à la crise politique qui secoue l'Algérie depuis le 22 février écoulé». Le message des manifestants était très clair aux dirigeants et au général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major en particulier. «Le peuple algérien n'est pas en conflit avec son armée, mais il dit non au régime militaire», selon un orateur. Les manifestants ont vertement demandé le départ de Abdelkader Bensalah et du gouvernement Bedoui, avec les mots désormais les plus utilisés dans les slogans : «Dégage Bedoui ! Dégage Bensalah !» Ils ont également rejeté le fait que le gouvernement actuel organise l'élection présidentielle programmée pour le 4 juillet prochain. M. Taïbi La mobilisation intacte à Jijel Le deuxième vendredi du Ramadhan n'a pas enregistré de fléchissement de la mobilisation populaire à Jijel, où des dizaines de milliers d'hommes et femmes ont battu le pavé en défiant la soif et la chaleur, pour crier haut et fort à la face du pouvoir : «Non à la farce du 4 juillet». «Il y a des génies en Algérie», lit-on sur un écriteau qui prédit : «Le peuple vaincra». Comme pour la semaine écoulée, les appels à l'instauration d'un pouvoir civil ont été longuement scandés par la foule, notamment : «Pour un Etat civil et non militaire», ou encore «Pour la primauté du politique sur le militaire». Les deux principaux «B», à savoir Bensalah et Bedoui, étaient aussi les noms les plus décriés par les marcheurs, qui exigent leur départ pour passer à une vraie transition. Dénonçant la corruption, sur une composition faite de dessins, de canettes et de boîtes de jus, on a écrit : «Ils ont sucé Hassi Messaoud et Hassi R' mel et ils n'ont laissé à Messaoud que du sable (r'mel) à sucer». Pour résumer la résolution de la mobilisation populaire, un médecin arborait un écriteau mentionnant que «Notre révolution pacifique n'est pas une course de vitesse, mais d'endurance, qui demande patience et persévérance. Restons donc unis, car ce n'est pas encore fini, jusqu'à leur départ». Ce vendredi 17 mai, la rue jijelienne vient une fois encore redire que la solution passe par le départ des «B», l'annulation de l'élection prévue le 4 juillet et l'amorce d'une véritable transition. Fodil S. Rassemblement sur la place des Martyrs à Guelma La marche pacifique et citoyenne, en ce 13e vendredi consécutif à Guelma, a vu converger, pour la première fois, des milliers d'habitants sur la place des Martyrs, située au cœur de la ville. «Nous avons gagné plusieurs batailles sur le plan juridique. Des têtes jusque-là intouchables sont, pour certains, convoquées par la justice, qui se libère progressivement, et pour d'autres placés en détention, ce n'est pas négligeable», déclare à El Watan un jeune avocat du barreau de Guelma, très optimiste pour les journées à venir «qui s'annoncent décisives», tient à préciser notre interlocuteur. En effet, c'est à l'unisson, sur la place mythique des Martyrs de Guelma, que la foule a scandé «Dégage Bensalah !» Un mot d'ordre donné avec insistance, appuyé par d'innombrables panneaux sur lesquels on pouvait lire : «Des élections sous la tutelle des malfaiteurs ne seront qu'à leur profit». La présence très visible de l'élite guelmoise, en ce vendredi, a laissé libre cours aux échanges durant la marche. K. Dadci Annaba : «Chaâbane ou Ramdane, nous sortirons chaque vendredi» Sous une chaleur caniculaire, le cours de la Révolution, la plus importante place publique de la wilaya, n'a pas désempli, hier. En effet, au 13e vendredi, les manifestants de Annaba ont maintenu leur rendez-vous hebdomadaire, tout autant que leur slogan : «Dégagez tous, c'est dégagez tous». Ils sont venus nombreux, des quatre coins de la wilaya, pour insister fermement sur le départ de tout ce système qui a fait subir aux Algériens les souffrances que l'on connaît. Sur les pancartes des protestataires, on brandit les portraits de Bensalah et Bedoui, appelés communément les «2B» pour leur dire : «Nous rejetons tous ces visages qui représentent l'ancien régime. Qu'ils dégagent tous, sans exception», tonnaient des jeunes avocats. D'autres s'en sont pris au chef d'état-major de l'Armée populaire nationale (ANP), le général-major Ahmed Gaïd Salah, en scandant, mégaphone à la main : «Nous ne sommes pas des complotistes, nous cherchons simplement notre liberté», «L'Algérie est une République pas une caserne», «Que ce soit Chaâbane ou Ramdane, nous sortirons chaque vendredi». Malgré la chaleur, la soif et la fatigue, l'ambiance était comme d'habitude festive, où les femmes tout autant que les enfants ont parsemé les foules avec des emblèmes sur les épaules. La solidarité populaire y était aussi. On distribuait des bouteilles d'eau fraîche, non pas pour les boire, mais pour se rafraîchir. M.-F. G. La foule fustige Gaïd Salah à Sétif Le jeûne et la canicule n'ont pas dissuadé des centaines de Sétifiens de descendre pour le 13e vendredi consécutif dans la rue, pour réitérer la principale revendication du mouvement citoyen du 22 février. Une fois de plus, la communion entre jeunes, vieux, femmes et hommes était omniprésente, au cœur de la capitale des Hauts-Plateaux, pour pousser les derniers symboles d'un système obsolète vers la porte de sortie. Les réclamations sont reprises en chœur par les manifestants scandant : «Gaïd Salah dégage» «La Bedoui, la Bensalah, la houkoumat el massaleh» (Ni à Bedoui ni Bensalah, non au gouvernement des affaires), «La li intikhabet antaa etazouir» (Non aux élections truquées), «Les partis du cachir dégagez». Brandissant, comme à l'accoutumée, l'emblème national, symbole de la souveraineté d'un peuple uni, la foule avance dans une ambiance bon enfant. Mesurant parfaitement la complexité du combat face à un régime qui fait de la résistance, les protestataires n'ont pas l'intention de lâcher prise. «On ne veut plus d'une gouvernance clanique basée sur la rapine. A l'approche de la date butoir de dépôt des candidatures d'une élection présidentielle vouée à l'échec, le système s'énerve, s'agite, multiplie les manigances et la pression. Le mouvement citoyen, qui a brisé le mur du silence et vaincu sa peur, n'a pas l'intention de faire marche arrière. Les manœuvres et intimidations de Gaïd Salah et le gouvernement illégitime de Bedoui ne nous font pas peur», déclarent à El Watan des manifestants déterminés à aller jusqu'au bout. K. Beniaiche Tentatives de diversion à El Tarf Un slogan inattendu en a surpris beaucoup ce 13e vendredi du hirak à El Tarf. Des manifestants, qu'on nous dit de la mouvance islamiste, ont suivi la marche sans se distinguer particulièrement, puis pendant le rassemblement habituel devant le siège de la wilaya, ils ont lancé «Echaâb yourid Taleb Ibrahimi» (Le peuple veut Taleb Ibrahimi). Surprise devant ces jeunes de moins de 30 qui font appel à un ex-ministre de Boumediène et de Chadli, symbole encore vivant de ces années de plomb. On a rapporté qu'à la fin du rassemblement, ils auraient été pris à partie par d'autres manifestants. En ce deuxième vendredi de Ramadhan, les manifestants d'El Tarf, qui ont défilé avec un long drapeau de plusieurs dizaines de mètres, ont été visiblement plus nombreux que les semaines précédentes. Le hirak d'El Tarf a également organisé un f'tour collectif sur la place de l'Indépendance. S. Sadki