Comme à l'accoutumée, une fois le centre-ville atteint par les marcheurs, il n'était plus possible d'avancer.La foule est devenue tellement dense que tout le monde reste sur place, scandant des slogans par-ci et reprenant des chants en chœur par-là. La banderole qui revenait à chaque marche et sur laquelle on pouvait lire "Rien ne pourra arrêter un peuple en marche vers son destin" semblait, hier, prendre tout son sens à Tizi Ouzou où, pour le huitième vendredi consécutif, la population a fait montre d'une inébranlable détermination à aller jusqu'au bout de son combat pour le départ du système. De tout le système. Ils étaient encore des centaines de milliers de personnes, hommes et femmes de toutes les tranches d'âge et de toutes les catégories sociales à envahir les rues de Tizi Ouzou pour rendre un énième verdict populaire, sans appel, contre le semblant de transition mis en œuvre par le chef d'état-major de l'armée, Gaïd Salah, et exprimer le rejet en bloc du système et des hommes qui l'incarnent, à commencer par les Bensalah, Bedoui et Belaïz que la rue surnomme les "3B". La foule a commencé à se rassembler, sous une pluie battante, dès les premières heures de la matinée devant l'université de Tizi Ouzou où une ambiance de fête régnait jusqu'au début de la marche. À 13h la marche s'ébranle. Les conditions climatiques ayant choisi, elles aussi, le peuple, la pluie cesse. Place au soleil, et la marée humaine ne fait que grossir à fur et à mesure qu'elle avance vers le centre-ville au rythme de "Silmya, silmya, houkouma irhabia", "Seraqin, seraqin wa ygoulou wataniyin", "Klitou lebled ya seraqin", "Bensalah dégage", "Echâab yourid tetnehaw gâa" et encore "Echâab yourid isqat enidham". Des slogans habituels repris en chœur par les manifestants lors des précédentes marches, l'on a remarqué la disparition de "Djeïch, châab khawa khawa" qui louait jusque-là la fraternité entre le peuple et l'armée qu'ils croyaient être de leur côté, et aussi celui de "Nehi elkaskita wa rwah mâana" qui s'adressait aux policiers. Les manifestants semblent ainsi s'être rendus à l'évidence qu'ils ne peuvent compter désormais que sur leur mobilisation pour changer le cours des choses. Et cela se décline clairement sur les nombreuses banderoles et pancartes déployées lors de la marche d'hier à Tizi Ouzou. Sur de nombreuses autres banderoles et pancartes, on retrouve plutôt les slogans qui réaffirment les exigences du peuple, plus exactement celles qui réclament les têtes qui incarnent le système, tels que "Gaïd Salah, Bensalah = dégage", "Ni Salah, ni Bensalah, ni Bedoui et sa bande", "FLN, RND, TAJ, MPA : dégagez tous", "57 ans, ça suffit : la main de l'étranger, c'est vous et votre système", "Ce n'est pas éthique de t'imposer à un peuple qui ne veut pas de toi, Bensalah" et "Non aux élections du 4 juillet". Comme à l'accoutumée, une fois le centre-ville atteint, il n'est plus possible d'avancer. La foule est devenue tellement dense que tout le monde reste sur place, scandant des slogans par-ci et reprenant des chants en chœur par-là jusqu'à 18h, heure où les manifestants commencent à se disperser dans le calme.