La population de Béjaïa a été au rendez-vous à l'occasion de ce 13e vendredi des manifestations antisystème enclenchées depuis le 22 février dernier, et le seconde du genre en ce mois de Ramadhan. Femmes, hommes, vieux et enfants ainsi que des jeunes de toutes les franges de la société ont réaffirmé leur volonté de poursuivre le mouvement jusqu'au départ de tous les symboles de l'ancien régime et l'instauration d'un Etat civil et de droit. Le défilé des ex-ministres de la République et des hauts responsables devant le tribunal d'Alger et dans les bureaux des enquêteurs de la Gendarmerie nationale, jeudi, soit 24 heures avant la marche, n'a pas produit l'effet escompté auprès d'une population qui ne jure que par le changement radical du système. En dehors de cette vague d'arrestations et de jugements des anciens responsables du régime, les revendications principales du peuple ne sont pas encore satisfaites. Il s'agit de l'annulation de l'élection présidentielle du 4 juillet et le départ du Premier ministre, Noureddine Bedoui, et du chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah. Sont réclamés, aussi, la préparation d'une transition démocratique, qui doit être confiée aux civils, ainsi que le retour de l'armée dans les casernes. Ils étaient plusieurs milliers à marcher de la maison de la culture Taos Amrouche vers la place de la Liberté d'expression Saïd Mekbel en empruntant les principaux boulevards de la ville de Béjaïa. Le slogan qui revenait comme un leitmotiv était «Ulac l'vote ulac (pas de vote), ils partent tous», pour rejeter l'élection du 4 juillet à laquelle tiennent opiniâtrement Bensalah et le chef de l'armée. Les manifestants ont plaidé «Pour une transition démocratique», menée par des politiques. Pendant ce temps, d'autres manifestants, des militants politiques promeuvent l'option de «L'élection d'une Constituante souveraine», et suggèrent «La grève générale» pour radicaliser le mouvement. Les slogans hostiles au général-major Ahmed Gaïd Salah (AGS) sortent également du lot. La dernière sortie de quelques radiés de l'ANP en soutien à Gaïd Salah et la ruée de citoyens pour le retrait des formulaires de candidature au scrutin présidentiel du 4 juillet n'ont pas manqué de susciter l'ire des manifestants. «Celui qui veut être sous les ordres de Gaïd Salah n'a qu'à s'engager dans l'armée. La République est civile», ont-ils rétorqué. Les marcheurs ont réitéré également leur attachement à un Etat civil et à l'un des principes du Congrès de la Soummam qui dicte «la primauté du civil sur le militaire» en brandissant des pancartes réfutant l'implication de l'armée dans le processus de transition : «Le peuple décide et l'armée s'exécute», «Non au régime militaire». Certains citoyens suggèrent au général-major de «partir au même titre que la bande» : «Gaïd Salah ne finit pas comme le Soudanais Omar El Béchir», le président déchu qui est issu de l'institution militaire avant de devenir présidant pour 26 années, lit-on sur un écriteau. Evoquant l'actualité économique, des manifestants ironisent sur l'âge des responsables algériens : «Des voitures moins de trois ans, c'est bien. Des dirigeants de moins de 60 ans, c'est mieux !» Face à la vague des arrestations et des jugements des anciens dirigeants, la population a réclamé une «justice véritablement libre», mettant en garde contre «l'instrumentalisation de la justice» à des fins de règlement des comptes. Dans le même contexte, d'autres manifestants ont appelé à travers des pancartes à «La libération des détenus d'opinion» et dénoncent les «tentatives de division». Le portrait de Louisa Hanoune a été porté par ses militants qui revendiquent sa libération tout en exprimant le vœu de voir, plutôt, «les Bouteflika à la barre !».