Le 9 avril, le chef de l'Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, convoque le corps électoral pour le 4 juillet. L'Algérie retrouve l'ordre constitutionnel et s'achemine droit vers un autre rendez-vous électoral, après celui raté du 18 avril. Trois mois séparent les Algériens de ce scrutin qui intervient dans un contexte inédit de grande mobilisation populaire pour un changement radical du système politique. Les traditionnels soutiens au régime Bouteflika applaudissent, l'opposition est entre prudence et rejet. Le débat s'installe. Les regards sont braqués sur le 8e vendredi de manifestations. Le 12 avril, le verdict du peuple est sans appel. Sortis massivement dans la rue à travers le pays, les Algériens exigent le départ de tous les symboles du système. Par leurs slogans, ils signifient leur rejet d'une élection organisée par les «B», en référence au chef de l'Etat Abdelkader Bensalah, au Premier ministre Noureddine Bedoui, au président du Conseil constitutionnel, Tayeb Belaïz et au président de l'APN, Moad Bouchareb. S'appuyant sur la réaction de la rue, les partis de l'opposition considèrent, dans leur majorité, qu'il est illusoire de croire qu'il est possible, en un laps de temps aussi court, créer les conditions de transparence pour la tenue de cette élection à la date prévue, conformément aux dispositions constitutionnelles. Des appels à sortir de la «stricte» application de l'article 102 ont été lancés par des formations politiques afin de préparer le terrain à une élection libre et transparente. Sans écho. Le 16 avril, Tayeb Belaïz, le président du Conseil constitutionnel, présente sa démission à Abdelkader Bensalah. La démission de ce fidèle d'Abdelaziz Bouteflika est perçue comme une concession faite au mouvement populaire. Le 18 avril, le chef de l'Etat lance des consultations pour la mise en place de la commission indépendante de l'organisation des élections. Il reçoit le jour même le président du Front El Moustakbel, Abdelaziz Belaïd, l'ancien président de l'APN, Abdelaziz Ziari, et l'avocat Miloud Brahimi. M. Bensalah invite en même temps toute la classe politique et les représentants de la société civile à une conférence le 22 avril. L'opposition rejette en bloc cette conférence. Certains partis du pouvoir, comme le TAJ d'Amar Ghoul et le MPA d'Amara Benyounès, déclinent, eux aussi, l'invitation. M. Bensalah ne préside pas cette conférence. Il délègue le secrétaire général de la présidence de la République, Haba Okbi, à sa place. La conférence se tient tout de même et débouche sur le maintien du calendrier électoral. La mobilisation se poursuit pour le 10e vendredi de suite. Le 5 mai, le chef de l'Etat Abdelkader Bensalah s'adresse à la nation en direct sur la télévision publique. Il confirme le maintien de l'élection présidentielle dans les délais et appelle «à un dialogue intelligent, constructif et de bonne foi pour construire un consensus fécond, le plus large possible, de nature à permettre la réunion des conditions appropriées pour l'organisation, dans les délais convenus, de l'élection présidentielle». Son appel ne trouve pas écho au sein de l'opposition. La mobilisation continue le vendredi d'après, en plein mois sacré du Ramadhan. Elle se poursuit encore le deuxième vendredi du jeûne. Les étudiants, de leur côté, continuent de marcher les mardis. Les manifestants rejettent l'élection du 4 juillet et exigent le départ de tous les symboles du système. Le 18 mai, 74 lettres d'intention de candidature ont été déposées au ministère de l'Intérieur. Elles émanent majoritairement d'illustres inconnus. Jeudi prochain 23 mai, ce sera le dernier jour pour le dépôt des candidatures à cette élection présidentielle, mais voilà que le climat politique demeure défavorable à son maintien à la date prévue conformément à la Constitution. Le samedi 18 avril, trois personnalités bien connues, Ahmed Taleb Ibrahimi, Ali Yahia Abdennour et Rachid Benyelles rajoutent une couche en appelant à l'annulation de cette présidentielle et à l'ouverture d'une courte période de transition. Ces trois personnalités vont plus loin en appelant à un «dialogue direct» entre les représentants du mouvement populaire et l'armée. Peut-on organiser une élection présidentielle crédible face à un «rejet» aussi massif ? Techniquement, cela est faisable, pourvu qu'il y ait des dossiers de candidature. Ce qui, en revanche, est difficile, c'est de faire accepter par le peuple les résultats de ce scrutin. Mais cette élection pourra-t-elle constituer un remède à la crise actuelle ? D'aucuns pensent que sans une élection véritablement libre et transparente, il est impossible de régler la grave crise de légitimité et de rétablir la confiance entre le peuple et ses institutions. Tout l'enjeu est là.