Depuis vendredi, l'accès à l'esplanade de la Grande-Poste est officiellement interdit. La wilaya d'Alger, à l'origine de cette interdiction, invoque comme raison à sa décision un affaissement et des fissures dans l'escalier de ce monument historique pouvant mener à son effondrement. Pourquoi cette décision dans une pareille période de mouvement populaire ? Est-ce une manière de réprimer ? Y a-t-il réellement danger ? Autant de questions que se posent les citoyens, mais aussi les experts qui doutent des arguments de la wilaya d'Alger. L'expertise technique effectuée par les services de l'organisme national de Contrôle technique de la construction (CTC) y compris. Ce rapport fait état de la présence de fissures et de corrosion accentuée. La wilaya interdit alors, par prévention, l'utilisation de l'escalier et prévoit le lancement de travaux de réhabilitation et de restauration. «De quelle restauration parle-t-on réellement ? La Grande-Poste relève aujourd'hui du vieux bâti de la capitale. La restaurer ne se fait pas de manière partielle. Il faut absolument faire une expertise de fond de ce monument pour lancer une véritable opération de restauration. Se contenter de solutions esthétiques, telles que le ravalement des façades à l'époque de l'ancien wali Abdelkader Zoukh, est juste une perte d'argent», préconise le professeur Abdelkrim Chelghoum, président du Club des risques majeurs. Pour lui, cette décision est juste «bizarre», notamment car l'escalier est un élément secondaire qui ne peut en aucun cas, selon lui, causer un effondrement de la bâtisse. «Techniquement, ce n'est pas possible. Même dans un scénario de film, il est inimaginable qu'une centaine de manifestants puissent causer l'effondrement de la Grande-Poste», ironise-t-il. M. Chelghoum considère que l'édifice en question, malgré sa vétusté, est assez robuste avec sa structure porteuse et la nature du sol qui représente 50% de la solidité de la bâtisse. Il remet en question le rapport du CTC et préconise la réalisation d'un diagnostic approfondi sur la vulnérabilité de la structure à travers une simulation numérique. Pour cet expert, c'est l'unique manière permettant de décider ou pas de la vulnérabilité de l'édifice et, de facto, de l'interdiction d'accès à son esplanade. «A priori, s'il n'y a pas de fissure dans la structure porteuse de la Grande-Poste, à savoir les poutres et les poteaux, il est impossible de parler de risque d'effondrement. Si le CTC a fait de pareils travaux, il n'a qu'à les divulguer», ajoute notre interlocuteur, qui insiste sur l'insuffisance du constat visuel pour annoncer une menace de ruine d'un bâtiment tel que la Grande-Poste. Une contre-expertise s'impose Un avis que partage Hamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes. Il considère que cette décision est infondée puisqu'elle repose sur une seule expertise qu'est celle du CTC. Pour lui, prendre pareille décision mérite une contre-expertise pour prouver ou infirmer la véracité des constats de cet organisme. M. Boudaoud dit ne pas comprendre également l'absence du ministère de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, détenteur de ce patrimoine foncier. En plus de toutes ces critiques, pourquoi la wilaya d'Alger ou l'APC d'Alger-Centre n'ont pas mis de plaque informative ou autre indication pour prévenir les citoyens d'un éventuel danger ? La présence d'un dispositif sécuritaire renforcé sur les lieux laisse plus entendre une tentative de répression qu'une mesure préventive. Pour rappel, le rapport du CTC fait ressortir une déformation par endroits du revêtement du sol et une corrosion accentuée affectant les solives métalliques de la trame gauche du palier de repos. Les services du CTC préconisent la reprise totale du panneau de plancher de la trame gauche et la réparation des éléments affectés des deux autres trames (centrale et droite). Ils ont également appelé à la prise de mesures d'urgence préventives, notamment en vue de procéder à l'étaiement du panneau de plancher de la trame gauche, et de mettre hors d'usage le palier de repos.