Il était 10h55 lorsque Ali Haddad, patron du groupe qui porte son nom, a fait, hier, irruption dans la salle d'audience du tribunal de Bir Mourad Raïs, près la cour d'Alger, entouré par de nombreux policiers. Le regard quelque peu perdu mais le sourire aux lèvres, saluant de loin certains de ses cadres assis sur les bancs, Ali Haddad s'est mis à la barre aux côtés d'un autre inculpé, Boualem Hassani, officier de police détaché au service de biométrie de la daïra de Bir Mourad Raïs. Le président de la cour commence par faire l'appel des parties. Les trois témoins, tous des cadres de la daïra, sont absents. «Comment peut-on examiner le dossier sans les témoins ?» demande le président aux avocats. L'un d'eux lui répond : «Ils n'ont certainement pas été informés.» Le juge : «Des convocations leur ont été adressées…» Une réponse qui fait réagir le prévenu Boualem Hassani : «Moi-même je n'ai rien reçu. C'est mon avocat qui m'a informé.» Le président décide alors de renvoyer le procès au 3 juin prochain. Ce qui n'a pas été du goût des avocats de Ali Haddad, dont Me Khaled Bourayou, qui s'exclame : «On aurait pu avancer dans ce dossier sans les témoins.» Cette affaire, faut-il le rappeler, concerne les deux passeports que Ali Haddad avait sur lui, le 31 mars dernier, au moment où il effectuait les formalités de contrôle douanier au poste d'Oum Tboul, à El Tarf, à la frontière algéro-tunisienne. Inculpé en vertu de l'article 222 du code pénal qui stipule : «Quiconque contrefait, falsifie ou altère les permis, les certificats, livrets, cartes (…), passeport, ordre de mission (…) ou autres documents délivrés par les administrations publiques en vue de constater un droit, une identité ou une qualité, ou d'accorder une autorisation est puni de six mois à trois ans de prison.» L'article précise que le «coupable peut être frappé de l'interdiction de l'un ou de plusieurs droits mentionnés en l'article 14» et que «la tentative est punie comme le délit consommé. Les mêmes peines sont appliquées à celui qui, sciemment, fait usage desdits documents contrefaits, falsifiés ou altérés et celui qui fait usage d'un des documents visés sachant que les mentions qui y figurent sont devenues incomplètes ou inexacte». Lors de l'enquête judiciaire, il s'est avéré que l'obtention d'un deuxième passeport par Ali Haddad a été possible grâce à des instructions. D'abord de l'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, qui a saisi l'ex-ministre de l'Intérieur, alors Noureddine Bedoui, lequel a fait appel au secrétaire général de la daïra de Bir Mourad Raïs, qui a reconnu, lors de son audition comme témoin, avoir reçu des directives et instruit par téléphone l'officier Boualem Hassani, détaché au service biométrie, de l'établissement du document de voyage à Ali Haddad. Durant l'enquête judiciaire, Hassani a été entendu à plusieurs reprises en tant que témoin, au même titre que ses collègues des services de la daïra. Cependant, il est le seul à voir son statut basculer vers celui d'inculpé, laissé en liberté. D'apparence banale, cette affaire risque cependant de mettre en lumière le poids des relations qu'entretenait le patron du groupe ETRHB, Ali Haddad, avec les cercles décisionnels au plus haut niveau de l'Etat.