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Café littéraire de Béjaïa : Nadia Kaci raconte le « pogrom » d'El Haïcha
Publié dans El Watan le 05 - 05 - 2010

Fatiha s'est enroulée en boule, transie de peur, dans l'obscurité d'un bidonville qui a ramassé la misère de dizaines de femmes algériennes, travailleuses au sein des multinationales implantées dans le Sud algérien. Vulnérables, livrées à la bêtise humaine.
La dignité, l'honneur de Fatiha, les violeurs sont allés au plus profond de son âme pour les lui arracher dans un instinct bestial. Un « pogrom » se produisait dans les recoins d'un miséreux bidonville d'El Haïcha, perdu dans le lointain Hassi Messaoud. Rahmouna n'en sera pas épargnée. Plus de cent femmes se faisaient violer et violenter dans cette nuit maudite sous la bénédiction d'un imam qui « ordonnait » de « purifier Hassi Messaoud de ces femmes impures ». C'était dans la nuit du 13 juillet 2001. Nadia Kaci nous fait replonger dans l'horreur de cette folie masculine. Elle a été l'invitée du café littéraire de Béjaïa autour de son livre Laissées pour mortes, édité au début de cette année chez Max Milo éditions. Elle était accompagnée, pour l'occasion, de Fatiha et Rahmouna, avec lesquelles elle est allée plus loin dans leur petite enfance pour recueillir des témoignages poignants de leur lynchage à El Haïcha. Les deux seules femmes victimes qui ont accepté de témoigner. La centaine d'autres ? La honte les a fait taire. La peur de la récidive aussi. Elles ont été au procès de Ouargla, en juin 2002. Puis ont disparu dans la nature, emportant avec elles une plaie ouverte et le sentiment d'une injustice impunie.
Pour Nadia Kaci, « elles n'ont pas obtenu réparation ». « L'imam (qui a été arrêté une demi-journée) a aujourd'hui une responsabilité plus importante. Les 29 hommes arrêtés ont été condamnés par contumace ; trois seulement ont été en prison », répond l'auteure-comédienne à une question de son public, resté sans voix à la lecture des extraits relatant les détails des viols d'El Haïcha. Conséquence de l'impunité, « de nouveau on agresse les femmes », fait-elle remarquer. « 93 femmes ont déposé plainte », souligne Nadia Kaci pour contredire le ministre de la Solidarité nationale. « Pendant trois semaines, des femmes étaient en train de se faire agresser et aujourd'hui tout d'un coup Ould Abbas fait des déclarations, et pour dire quoi ? Qu'il n'y a que deux plaintes, que ces deux femmes sont des manipulatrices… », s'offusque-t-elle, inquiète qu'il n'y ait pas de volonté d'arrêter le carnage.
« On n'ouvre pas d'enquêtes internationales sur deux plaintes seulement », rétorque-t-elle. « Quand il y a dénigrement vis-à-vis de la femme, il ne faut pas s'étonner que les chiffres des agressions contre celle-ci soient en hausse. » Visiblement, Nadia Kaci garde en elle une révolte et dénonce une « grande perversité » dans la manœuvre de coller aux victimes l'étiquette de prostituées, qui, même si elles l'étaient, ne justifie pas leur agression. L'auteure de Laissées pour mortes vient d'écrire aux deux multinationales Schlumberger et Total, basées au Sud algérien, leur demandant ce qu'elles comptent faire pour protéger leurs employées.


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