Pour le juriste Abdellah Heboul, «les deux tiers de la composante du Conseil constitutionnel (CC), soit quatre membres désignés par le Président et quatre députés de l'APN, veulent imposer la volonté du pouvoir politique et de l'armée des frontières à celle du peuple ; ils veulent faire perdurer le système de 1962». L'ancien syndicaliste, interrogé par El Watan, affirme que le Conseil constitutionnel, conformément à ses missions telles que définies dans la Constitution algérienne, n'a pas le droit de «prolonger» la mission de Abdelkader Bensalah à la tête de l'Etat. Tout en estimant que le peuple algérien vient de remporter une victoire politique historique par l'annulation de l'élection présidentielle du 4 juillet, Me Heboul estime cependant que la Loi fondamentale n'a pas prévu cette situation et, par conséquent, le Conseil constitutionnel n'est pas en droit de produire de fatwas, encore moins de décider du sort du chef de l'Etat. A la lecture du communiqué du CC, on apprend que ce dernier a pris trois décisions, explique le juriste. «Le Conseil constitutionnel, réuni les 26 et 29 mai ainsi que le 1er juin 2019, à l'effet de délibérer sur les dossiers de candidature pour l'élection du président de la République prévue le 4 juillet 2019, s'est prononcé par le rejet des deux dossiers de candidature déposés auprès de lui, en vertu de deux décisions individuelles n°18/D.CC/19 et n°19/D.CC/19, datées du 1er juin 2019», indique le Conseil dans son communiqué. En conséquence, il a décidé de «l'impossibilité de tenir l'élection présidentielle le 4 juillet 2019, et la réorganisation de celle-ci de nouveau.» La dernière phrase de ce paragraphe ouvre une brèche pour les 12 membres du Conseil constitutionnel pour maintenir Bensalah dans sa mission et lui donner la couverture juridique afin d'organiser un nouveau rendez-vous électoral. Ils puisent justement dans le 12e paragraphe du préambule ainsi que dans les articles 7, 8, 102 alinéas 6, 182 et 193 de la Constitution, pour affirmer que «dès lors que la Constitution prévoit que la mission essentielle dévolue à celui investi de la charge de chef de l'Etat est d'organiser l'élection du président de la République, il y a lieu de réunir les conditions adéquates pour l'organisation de cette élection dans la transparence et la neutralité en vue de préserver les institutions constitutionnelles, qui concourent à la réalisation des aspirations du peuple souverain». Ainsi, «il revient au chef de l'Etat de convoquer de nouveau le corps électoral et de parachever le processus électoral jusqu'à l'élection du président de la République et la prestation du serment constitutionnel». Pour Me Heboul, c'est «tiré par les cheveux» et il considère par-là que le Conseil constitutionnel opère un véritable coup de force : «C'est le deuxième coup de force après celui du 11 mars quand Bouteflika avait annulé l'élection, et c'est le Conseil constitutionnel qui en est l'instrument en validant des décisions anticonstitutionnelles au profit de la position de l'armée.» Pour lui, Bensalah aurait dû démissionner dimanche, à l'annonce de l'impossibilité d'organiser l'élection, pour ainsi rester dans le respect de l'article 102. «Le Conseil constitutionnel a fait de Bensalah un chef d'Etat pour une durée indéterminée ! Ce n'est pas prévu par la loi. Le chef de l'Etat est soit élu pour cinq ans, ou bien désigné pour rester 90 jours, dans les termes de l'article 102», explique notre interlocuteur. Et de s'interroger si les 12 membres du CC mesurent les retombées de leur initiative et leur silence devant l'accumulation de violations de la loi de la part des premiers responsables de l'Etat. N'est-ce pas que Bensalah n'a pas réuni le Conseil des ministres, et que le plan d'action du gouvernement n'a pas été présenté à ce jour, ce qui place son activité en dehors de toute légalité ? N'est-ce pas que le poste de ministre de la Défense nationale est toujours occupé par Bouteflika et que ce dernier est en situation d'abandon de poste ?