Au second jour du débrayage lancé sans préavis, les grévistes, dont les rangs enflent par l'arrivée d'autres mécontents, maintiennent le mot d'ordre. Hier, les gares de plusieurs wilayas du pays (Alger, Annaba, Oran, Constantine, etc.) étaient fantomatiques ; la plupart des trains n'ont pas quitté le quai, de l'avis de plusieurs syndicalistes. Nombre de voyageurs n'ont pas manqué d'exprimer leur désarroi : « Nous sommes des victimes », lance timidement un enseignant universitaire, à un guichetier, au niveau de la gare Agha, dans la capitale. Cette gare enregistre quotidiennement le passage de pas moins de 5000 voyageurs. La plupart des grévistes interrogés se sont montrés outrés par la réaction de l'administration de la SNTF en réponse à leurs revendications. « Au lieu d'apaiser la tension, la SNTF jette de l'huile sur le feu. Les propos tenus par le directeur des ressources humaines de l'entreprise s'apparentent à des menaces à peines voilées. C'est indigne d'une entreprise stratégique du pays », répliquent-ils. Dimanche dernier, Nourddine Dakhli, responsable à la SNTF, estimait que « l'arrêt de travail est illicite » et que la société publique n'est pas en mesure de consentir de nouvelles augmentations salariales eu égard à son état financer critique. Selon lui, l'entreprise a procédé à l'augmentation à hauteur de 16% du SNMG des travailleurs. Ces arguments ne font même pas sourire les concernés. « C'est faux. Le niveau du SNMG a été relevé à deux reprises pour tous les travailleurs algeriens. Mais nous n'avons rien vu », s'emportent des grévistes rencontrés au siège de la direction régionale de la SNTF à Alger. A en croire certains protestataires, le salaire de base des travailleurs des chemins de fer est de seulement 12 480 DA et ne dépasse pas la modique somme de 20 000 DA après 20 ans de carrière. Des rémunérations de « misère » pour certains, d'« esclavagisme » pour d'autres. Ils se défendent, en tout cas, de vouloir s'attaquer à tel ou tel responsable. « Nous ne faisons pas de politique. Certaines sociétés publiques, quoique déstructurées, ont bénéficié des majorations salariales dans le cadre des conventions de branches. Des milliards de dinars ont été engloutis dans la modernisation du secteur. La masse ouvrière est carrément exclue. C'est pourquoi nous réclamons notre droit à un salaire décent », expliquent-ils. Un taux de suivi de 60%, selon la SNTF Il semble que la confrontation entre les grévistes et l'administration de la SNTF va perdurer. L'employeur n'a pas, jusqu'à hier, pris langue avec les véritables représentants des cheminots. Une cellule de crise composée des délégués syndicaux de quatre régions du pays a été mise sur pied. Objectif : maintenir la mobilisation. En outre, les représentants de travailleurs du chemin de fer n'ont pas manqué de dénoncer l'attitude de l'administration : « Nous ne sommes pas des hors-la-loi. Nous voulons seulement l'application de la convention de branches qu'ils ont signée. S'il y a un problème de déficit, ce n'est pas au simple cheminot de l'assumer. Ce déficit est à lier avec l'acte de gestion des responsables. » Et de préciser : « Du temps de la disette, les cheminots ont dû serrer la ceinture. Par contre, avec l'embellie financière, le travailleur est en droit d'avoir un salaire qui lui garantit une vie digne. » Les syndicalistes ont unanimement remis en cause la gestion de la sphère salariale de leur entreprises. « De nombreux cadres, sous-payés, ont quitté l'entreprise en rejoignant d'autres sociétés étrangères installées en Algérie, notamment Alstom, en contrepartie de forts salaires », indiquent-ils. Contacté hier par nos soins, M. Dakhli avoue avoir tenu deux réunions, sans résultat concret, avec la Fédération nationale des cheminots affiliée à l'UGTA. Ce syndicat n'a pas pris part, rappelons-le, au mouvement de grève des cheminots. Notre interlocuteur souligne que le débrayage s'est « durci » avec un taux de suivi national de 60%. Les grévistes parlent, eux, d'une paralysie presque totale. Ils se sont montrés inflexibles et comptent poursuivre leur mouvement de grève jusqu'à satisfaction de leur revendication.