A l'extrémité ouest de l'Afrique, la Mauritanie conjugue pluralité linguistique et diversité culturelle dans un environnement aride et propice aux soulèvements populaires. Avec les Arabo-Berbères d'une part et les Négro-Africains d'autre part, le pays a vécu dans les années 1989 et 1990 des altercations musclées visant à rétablir une égalité de fait entre les deux communautés. Bien que le secret ne soit pas levé sur l'enlèvement et la torture de centaines de cadres négro-africains dans les années 1990, la Mauritanie s'est engagée par la promulgation de sa nouvelle Constitution en 1991 à instaurer officiellement le multipartisme. Une remarque s'impose cependant : les ethnies négro-africaines sont encore sous-représentées dans la vie politique, administrative et militaire du pays. Hormis une volonté affichée par le président Mouaouiya Ould Taya, en place depuis vingt ans et ancien colonel de l'armée, d'amener le pays vers une plus grande ouverture démocratique, force est de constater que les forces de l'ordre et la brutalité policière semblent faire partie intégrante d'une façon de gouverner en Mauritanie. L'incarcération facile Reporters sans frontières (RSF) exprime son indignation après l'inculpation et la mise en détention du journaliste indépendant Mohamed Lemine Ould Mahmoudi, accusé d'avoir prétendument porté « atteinte à l'image de marque » de la Mauritanie « en interviewant une jeune femme qu'une ONG locale avait identifiée comme une esclave en fuite », peut-on lire à la date d'hier sur le site de l'ONG. Une loi mauritanienne stipule : « Le ministère de l'Intérieur peut, par arrêté, interdire la circulation, la distribution ou la vente de journaux (...) qui portent atteinte aux principes de l'Islam ou à la crédibilité de l'Etat, causent un préjudice à l'intérêt général ou troublent l'ordre et la sécurité publics. » C'est ce qui a conduit à un état des lieux alarmant sur la liberté de la presse en Mauritanie. « Afrique Education absent des kiosques depuis un mois », « Un journaliste incarcéré depuis trois mois et un autre en fuite », « Un journal indépendant censuré » (Calam) sont les principales unes de journaux régionaux illustrant par là même la volonté politique de museler tout mouvement opposant. Les relations à couteaux tirés entre les autorités et certains organismes des droits de l'homme, tels que SOS Esclaves, nourrissent la polémique. L'ONG dénonce la pratique courante de l'esclavage, pratique entretenue par les milieux du Pouvoir. Ces derniers qualifient de « montage » les cas évoqués par l'ONG. Les cas de dissension entre le Pouvoir mauritanien et les ONG sont nombreux. Début mars, le gouvernement mauritanien démentait les allégations des ONG de défense des droits de l'homme, selon lesquelles des prisonniers, condamnés pour avoir participé à un putsch programmée contre le Pouvoir en 2003, auraient subi de mauvais traitements lors de leur détention. « La Mauritanie est un pays de droit et les prisonniers sont traités selon la loi », répond le ministre de la Communication, Hammoud Ould Habi. En écho, le ministre de la Justice déclare que les prisonniers « purgent leur peine dans des conditions sanitaires et alimentaires excellentes ». La pauvreté Suivant la dernière enquête sur les conditions de vie des ménages, la pauvreté concernait, en 1996, près de la moitié de la population mauritanienne, tandis que l'extrême pauvreté touchait près du tiers de celle-ci. L'étendue de la pauvreté a toutefois reculé par rapport au début de la décennie (56,6% en 1990). La scolarisation, l'accès aux soins ou à l'eau sont autant de critères permettant d'analyser le niveau de vie de la population mauritanienne. Ainsi, concernant la scolarisation, d'énormes efforts ont été enregistrés. Les données indiquent un rattrapage spectaculaire et mettent en évidence l'alignement des taux de scolarisation des filles (81%) sur celui des garçons (87,6%). L'accès aux soins n'a pas connu le même essor que celui de l'école. Outre la faiblesse de la prévention de certaines maladies telles que le sida ou le paludisme, il est noté une insuffisance de couverture vaccinale et l'indisponibilité de médicaments essentiels. « En matière d'accès à l'eau potable, le taux de raccordement a connu une évolution modeste, passant de 15,4% en 1990 à 19,1% en 1998. Dans huit régions, le taux est inférieur à 10% et dans cinq il n'atteint pas 5% », indique un rapport. Le procès des putschistes impliqués dans le coup d'Etat manqué de juin 2003 a fait la surprise. Initialement, le ministère public avait requis des peines allant jusqu'à la peine de mort pour 17 des militaires et civils ayant participé à la tentative de renversement du Pouvoir. La sanction capitale a été écartée. Ce qui laisse à penser que le gouvernement mauritanien, généralement à l'origine des décisions judiciaires contre des putschistes, entend tourner la page du passé. Dans un autre domaine, le gouvernement mauritanien vient de placer « une commission interministérielle de lutte contre la pauvreté ». Cinq priorités ont été dégagées dans la loi du 19 juin 2001 : l'enseignement, la santé, l'eau potable, le développement rural et le développement urbain. Cela sans compter sur la prochaine adhésion de la Mauritanie au clan des pays exportateurs de pétrole. Bien que la société ne sache pas encore jusqu'à quel point les prochaines rentes pétrolières devraient lui être profitables, cette nouvelle donne place la Mauritanie à la croisée des chemins.