Cette élection appelle à de nouvelles restructurations régionales maghrébines et africaines. Dans sa définition de l'Homme, F. Nietzsche écrivait: «C'est un oui, un non, une ligne droite, un but.» Définition caractéristique de figures ou d'intelligence qui ont le sens de l'Histoire et de la dynamique du temps. Partant de cette représentation, l'Homme, dans ses convictions imprimées ou exprimées comme dans son action, ne serait dans sa grandeur autre qu'idéo-moteur et trace. Cette présente lecture s'apparente en symbiose avec la démarche du Conseil militaire pour la justice et la démocratie qui a conduit depuis le 3 août 2005 le putsch le plus doux que l'Afrique ait connu depuis l'ère des décolonisations. Un coup d'Etat contre ce qui a été qualifié par la junte en question de «totalitarisme» et de «pouvoir absolu et corrompu» ayant étouffé l'expression plurielle de la société et dilapidé les richesses d'une Mauritanie victime d'ultrapauvreté, voire de famine. Serein, déterminant et surtout rassurant, le colonel Vall, chef des putschistes et président de l'Etat, illustre parfaitement cette idée de l'homme pragmatique et sachant lire les événements. Il conjugue la discipline militaire au discours politique. Un rapide apprentissage pour celui qui a dirigé la Dgsn durant deux décennies et qui aurait, en 1984, contribué au coup d'Etat avec son aîné, mais néanmoins ami et futur homme fort de la Mauritanie, Ould Ettayae contre Mohammed Khouna Ould Haïdalla, un autre candidat indépendant à la présidentielle de 2007. Dans sa conférence de presse de dimanche 11 mars, le jour du scrutin et juste après avoir accompli son devoir électoral à Tafregh Zeina, Ely Ould Mohammed Vall s'est montré paisible et surtout prédisposé à passer le témoin à l'élu du peuple et a été clair en réponse à une question sur le devenir des membres du Cmjd: «Ce sont des officiers de l'armée mauritanienne. Ils ont des droits et des devoirs dans le cadre de leurs missions constitutionnelles et ils sont prêts à recevoir orientations et instructions du nouveau président de la République.» Une armée donc, consciente des risques d'éclatement de son pays à l'ivoirienne ou à la sierra-léonaise, a décidé de prendre le pouvoir pour le rendre aux civils après une période de transition qui a été écourtée car ramenée à seulement 19 mois au lieu de deux années. Une transition qui, selon nombre d'observateurs et d'acteurs locaux, a balisé constitutionnellement et politiquement la société mauritanienne. Le principe de la primauté du politique sur le militaire est garanti par l'alternance pacifique au pouvoir chaque cinq ans au lieu de six auparavant et n'est renouvelable qu'une seule fois pour permettre aux élites politiques et générations de se succéder aux commandes de l'Exécutif et éviter toute tentative de renversement de tout pouvoir légitime. Aucun candidat élu à la présidence de la République n'a le droit de rester à la tête d'une quelconque structure partisane dans l'objectif d'interdire tout retour au parti-Etat qui a caractérisé l'ère idéologique de la soviétisation. Liberté d'expression, respect des droits de l'homme, consécration du pluralisme politique, neutralité de l'administration, transparence des élections en la présence et le droit de regard des observateurs nationaux et étrangers, sont autant de garanties présentées par les services du ministère de l'Intérieur sous le contrôle du Cmjd et particulièrement de son président, le colonel Ely Ould Mohammed Vall qui réitère, à chaque occasion, la volonté du Conseil militaire d'aller jusqu'au bout de ses promesses au peuple mauritanien et de ses engagements devant les instances internationales, au lendemain de sa «révolution tranquille», en 2005. La tentation du pouvoir au sein du Cmjd a sûrement été maitrisée au fur et à mesure de l'évolution du processus de transition. C'est apparemment une autre «transition» au sein même des forces armées et de sécurité. Ce qui a fait que la seule institution homogène, héritière de l'époque coloniale et des refondations dites «fermées» de feu Mokhtar Ould Dadda, n'ait pas implosé. Une implosion dont les répercussions dépasseraient les frontières et embraseraient toute la zone subsaharienne. Il est à noter que la composante maure arabo-berbère et négro-africaine ont, chacune de son côté, ses relais culturels, religieux, identitaires, économiques et géopolitiques. Par conséquent, l'avenir de cette région est tributaire de changements et transformations politiques et stratégiques qui dépassent les seuls agendas nationaux en temps de paix comme en temps de guerre. A cet effet, l'élection présidentielle en Mauritanie appelle à de nouvelles restructurations régionales maghrébines et africaines. La leçon la plus marquante à retenir de cette transition dans ce pays voisin, si la logique du processus est respectée, est que toute armée libératrice peut être un catalyseur démocratique à la seule condition d'établir un partenariat sociopolitique avec sa propre société.