Ali Abdallah Saleh, Président yéménite, a décidé de gracier, hier, le rédacteur en chef d'un hebdomadaire d'opposition, Abdel Karim Al Khaiwani, qui purge une peine d'un an de prison pour des écrits ayant déplu au Pouvoir. Al Khaiwani a été condamné pour une série d'infractions à la loi sur la presse de 1990, notamment incitation à la violence, diffamation du chef de l'Etat et publication de fausses nouvelles. Cependant, faut-il comprendre la libération de ce journaliste comme un geste du Président visant à mettre fin à une situation qui portait de plus en plus atteinte à l'image du Yémen à l'étranger, notamment dans les pays occidentaux, qui constitue le principal soutien du régime de Sanaâ ? Il faut dire que l'exercice du métier de journaliste dans ce pays ne se présentait guère sous de bons auspices. Fragilisé par les concessions qu'il était contraint de concéder à Washington dans « la lutte contre le terrorisme », le régime yéménite a accru son autoritarisme pour contrer, d'une part, une opposition islamiste qu'il avait pourtant acceptée longtemps comme alliée et réprimer la corporation journalistique, d'autre part. Résultat : selon le rapport 2004 d'Amnesty International, « plusieurs journalistes ont été victimes d'intimidations et de poursuites judiciaires visant à les empêcher de rendre compte des sujets sensibles, notamment la coopération avec les Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme, la corruption et les violations des droits de l'homme ». Cinq autres journalistes ont ainsi été condamnés en décembre 2004 à des peines de prison avec sursis allant de trois à six mois, dont quatre mois pour des articles considérés comme préjudiciables aux relations entre le Yémen et l'Arabie Saoudite. Cela étant, la « guerre » de ce Président contre ses opposants remonte à son arrivée au pouvoir en 1978. Pour se prémunir contre ses adversaires successifs (zaydites ex-royalistes, nassériens pro-égyptiens, socialistes du Sud), M. Saleh a régulièrement eu recours aux diverses fractions du courant islamiste, radicaux inclus. L'ouverture au pluralisme politique en 1993 n'a rien changé. En 1993, le premier scrutin, après la réunification du Nord et du Sud intervenue en mai 1990, avait vu, au sein de petites formations, s'affronter trois grandes forces politiques : les deux ex-partis uniques (le Congrès général du peuple du Nord et le Parti socialiste du Sud), auxquels étaient venus se mêler, en soutien au camp du Nord, les islamistes du Rassemblement yéménite pour la réforme, Islah. Le Yémen est, depuis, plongé dans une guerre civile qui avait abouti à la déroute des « sécessionnistes » socialistes du Sud aux législatives de 1997. Et la réélection, en 1999, de M. Saleh au pouvoir est venue, contre toute attente, parachever le « rétrécissement » du champ politique. A partir de ce nouveau contexte, selon les analystes, le Président yéménite ne cessait de faire pression sur l'opposition. Des affrontements deviennent alors réguliers. Cela a donné lieu, depuis, à une dégradation de la situation des droits de l'homme dans ce pays.