Nourredine Zerhouni quitte le ministère de l'Intérieur après onze années passées à sa tête. Son successeur n'est autre que celui qui le secondait depuis 2001 en tant que ministre délégué chargé des Collectivités locales, à savoir Dahou Ould Kablia. Peut-on parler d'un changement ? La promotion de M.Ould Kablia participe-t-elle à une réelle volonté d'apporter des changements dans la gestion des affaires intérieures du pays ? Ou s'agit-il d'un simple réaménagement pour perpétuer la politique du « tout-répressif » ? A première vue, ce changement, comme tout le remaniement ministériel rendu public vendredi, tient plutôt du jeu des chaises musicales. C'est un remodelage qui ne préfigure pas la fin d'un système politique autoritaire et d'une administration extrêmement bureaucratique. Le départ de Zerhouni de l'Intérieur appelle néanmoins beaucoup de commentaires. Durant toute une décennie, ce puissant homme du « régime » a réussi une prouesse : étouffer toute forme d'opposition en fermant les espaces publics à toute expression libre. Il interdit les marches à Alger et refuse d'agréer de nouveaux partis. Il phagocyte le mouvement associatif en encourageant la création de dizaines de milliers d'associations satellitaires. Il étoffe l'effectif de la police en recrutant à tour de bras, sans qu'il ramène l'ordre et la sécurité dans nos villes et villages. Les actions terroristes, les kidnappings et la criminalité prennent de l'ampleur. La modernisation de l'administration et la refonte du code communal et de wilaya, annoncées depuis des années, ne sont toujours pas concrétisées. A cela s'ajoute le controversé projet de la carte d'identité et du passeport biométriques. M.Ould Kablia bousculera-t-il les choses ? Dans un pays sous état d'urgence depuis 1992, il est difficile d'espérer une amélioration sur le plan des libertés et des droits de l'homme. Ancien du MALG comme d'ailleurs Zerhouni, M. Ould Kablia, 77 ans, n'est pas de nature à bousculer l'ordre établi. Mais il peut apporter des correctifs en fonction des nouvelles orientations politiques. Une chose est sûre : il connaît parfaitement les rouages de l'administration. Certains observateurs le considèrent même comme un « spécialiste » de la gestion des collectivités locales. Six fois wali, notamment à Alger de 1978 à 1980, M. Ould Kablia peut se targuer de sa longue expérience dans l'administration. Ayant eu lui aussi sa traversée du désert, M. Ould Kablia est revenu aux affaires administratives en 2001 en tant que ministre délégué auprès du ministre de l'Intérieur chargé des Collectivités locales. Un poste qu'il a occupé durant ces 9 dernières années. Sa feuille de route, bien qu'inconnue, consisterait, selon toute vraisemblance, à mener à terme la réforme de l'administration et des collectivités locales, mais aussi à corriger les nombreuses lacunes relevées dans le tout nouveau système de la biométrie. Il aura également à faire face à une situation sécuritaire ponctuée de plusieurs attentats et d'enlèvements. Au-delà des affaires courantes, M.Ould Kablia aura à organiser les prochaines échéances électorales qui s'annoncent d'ores et déjà importantes pour le triumvirat présidentiel, à savoir le FLN de Abdelaziz Belkhadem, le RND de Ahmed Ouyahia et le MSP de Bouguerra Soltani déjà en compétition. Sans couleur politique, M.Ould Kablia dispose d'un CV qui n'est pas tout à fait différent de son prédécesseur. Sa promotion au poste de ministre de l'Intérieur semble répondre à un certain besoin d'assurer « les équilibres nationaux », sur lesquels repose la gouvernance du pays.